Un Enlèvement au Sérail réactualisé à Aix
La version que nous livre le metteur en scène autrichien Martin Kusej est en effet aux antipodes des turqueries pittoresques qu’inspire souvent l’opéra. L’action est transposée aux années 1920, période pivot pour le Moyen-Orient, qui voit l’apparition de l’islam radical en tant que mode de résistance à l’ingérence occidentale. Le sérail est désormais un campement dans le désert, dont le sable n’aura de cesse d’être dispersé par le mistral. Les janissaires du sérail sont ici des miliciens armés de mitraillettes, drapés en noir jusqu’au visage. Les dialogues du singspiel ont été partiellement modifiés, intégrant des bribes d’anglais, et des références à l’or noir et même aux soixante vierges promises aux djihadistes.
Archibald et Moretti dans l'Enlèvement au Sérail par Kusej (© Pascal Victor)
La dimension grinçante de l’œuvre est ainsi mise en avant, puisque le happy end conventionnel n'a pas été conservé : le sauvetage in extremis des occidentaux par la mansuétude du pacha est ainsi supplanté par la cruauté d’Osmin, qui les assassine malgré les ordres de son maître. Le spectateur comprend bien vite qu’au-delà des années 20, c’est notre époque qui est visée, avec la recrudescence de la barbarie extrémiste. Kusej a manifestement jugé impensable de livrer une fantaisie orientale au vu de la conjoncture actuelle dramatique. Pourtant, la mise en scène a été quelque peu adoucie à la demande de Bernard Foccroulle (le directeur du Festival) à la suite des attentats du mois dernier en Tunisie et en Isère. Le drapeau de Daech et les têtes de quatre otages occidentaux ne seront ainsi pas montrés. Que ce soit positivement ou négativement, cette relecture n’aura laissé personne indifférent. Devant la barbarie exprimée sur scène, Jérémie Rhorer a la lourde tâche de rendre la partition enchanteresse de Mozart, ici défendue par le Freiburger Barockorchester.
Archibald dans l'Enlèvement au Sérail par Kusej (© Pascal Victor)
Au moment des saluts finaux, la distribution n'a en revanche prêté à aucun débat. Franz-Josef Selig est un Osmin torturé et retors, qui assure bien la place centrale que lui confère cette vision de l’œuvre. Jane Archibald confirme sa place parmi les plus grandes colorature de sa génération, campant une Constance noble et résignée, assurant avec panache les vocalises si exigeantes de son « Martern aller Arten », et se mariant à merveille avec le Belmonte de Daniel Behle. Rachele Gilmore n’est pas en reste, incarnant une Blonde tout en fronde et en séduction, offrant un contrepoids comique salutaire, tout comme l’excellent Pedrillo de David Portillo (déjà brillant à Aix l'an dernier en Lurcanio dans Ariodante de Haendel.
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