Charmant récital de Regula Mühlemann pour le Festival de Paris
Dans le cadre du Festival de Paris, la jeune soprano suisse Regula Mühlemann donnait ce mardi un récital dans le cadre paisible du Musée de la vie romantique, à Paris. Un petit salon bourgeois y accueille environ soixante-dix spectateurs dans un cadre intime et convivial. Sur les murs bleu pastel, des tableaux bucoliques décorent la pièce, dotée d’un poêle et d’une magnifique bibliothèque en bois. Dans un renfoncement, Ulrich Koella se tient au piano, pour accompagner la jeune chanteuse dans son tour de chant structuré en quatre cycles : le premier explore l’œuvre de Clara Schumann, le deuxième s’intéresse à celle de Richard Strauss. Après le Lied vient la mélodie, dont Debussy puis Ravel sont ici les ambassadeurs.
Regula Mühlemann (© Henning Ross / Sony Classic)
Dès la première partie, la voix de Regula Mühlemann enchante par son timbre riche et coloré, portant pourtant une certaine obscurité, et qui est habilement déployé dans cet espace confiné qui ne nécessite jamais de brusquer l’instrument, mais qui, a contrario, limite les nuances, un simple mezzo-forte emplissant déjà l’espace. Son vibrato, à la fois court et dense, mais pas toujours régulier, apporte l’intensité requise tant par le swing des Lieder de Schumann que par la langueur de ceux de Stauss. Son porté de voix est délicat, s’attendrissant ou s’arrondissant sur certains mots. Sa palette expressive s’inscrit également sur son visage, sur lequel passent diverses moues : satisfaite, inquiète, mutine, triomphante. Les mains croisées devant elle, elle fronce les sourcils, hochant la tête. Elle fixe le public, placé à quelques mètres d’elle, pour mieux lui transmettre l’émotion de son interprétation. Plusieurs spectateurs l’observent la tête penchée, le sourire aux lèvres. Pas un bruit ne vient perturber la musique au milieu des cycles, signe de la grande qualité d’écoute du public. Le dernier Lied, « Amor », convoque des trilles suraigus, qui restent d’abord bloqués dans la gorge, légèrement râpeux, avant de se libérer totalement avec charme.
Son allemand est prononcé avec grâce, suspendant parfois un « ch » raclé en fond de gorge pour l’alléger et l’adoucir (son « mir auch » est par exemple un délice). Selon le propos, elle les accentue à d’autres moments, faisant claquer le t de « nacht ». Le français est moins précis, surtout lorsque le chant aborde des difficultés qui accaparent sa concentration. Son expressivité est telle cependant que l’émotion se transmet, y compris lorsque les paroles ne sont pas perceptibles.
Regula Mühlemann (© Henning Ross / Sony Classic)
Dans la Chanson des cueilleuses de lentisques (un arbuste à baies rouge que l’on trouve autours de la Méditerranée), la voix est tenue droite, puis virevolte en vocalise à la manière d’une feuille au vent. Les yeux fermés, la chanteuse interprète cette mélodie, qui donne à imaginer sans difficulté les grands paysages méditerranéens. Puis, dans Tout gai, Regula Mühlemann danse, élargissant les « tralala ». Les applaudissements sont enthousiastes et font oublier le nombre restreint de spectateurs. La cantatrice et son pianiste offrent quatre bis, dont la Truite de Schubert, qui est accueillie par les soupirs de satisfaction des spectateurs. Un Voyage à Paris de circonstance (et de Poulenc) clôt une charmante soirée lyrique.