Grands Motets gravés de Charles-Hubert Gervais
Après le règne flamboyant puis déclinant du Roi Soleil, la musique connaît une période de renouveau sous la Régence de Philippe d’Orléans. Si l’héritage des Motets français et de Jean-Baptiste Lully reste toujours fortement présent, le Régent s’entoure de musiciens audacieux capables d’y apporter une certaine fraîcheur voire de la modernité. Charles-Hubert Gervais est l’un d’eux et ce sont justement quelques-uns de ses plus beaux et Grands Motets que propose György Vashegyi avec ses ensembles, le Purcell Choir et l’Orfeo Orchestra, dans cet enregistrement paru chez Glossa. Comme le rappelle dans le livret, avec son habituelle précision et passion, le musicologue Benoît Dratwicki du Centre de Musique Baroque de Versailles, Gervais est chargé de composer la musique animant les messes du tout jeune roi Louis XV et il parvient à créer des œuvres virtuoses et dramatiques, tout en conservant une forme de sobriété, grâce à une texture orchestrale allégée et une richesse subtile des harmonies.
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Les solistes qui défendent ces pièces apportent tous une attention toute particulière à la diction de leur texte en latin. La voix de dessus est conduite par Olivia Doray avec une clarté souple et lumineuse, pour mieux basculer dans le récit et une partie sombre voire énigmatique. Sa collègue Katalin Szutrély fait résonner ses aigus dans l’acoustique généreuse mais bien équilibrée de l’Abbaye bénédictine de Pannonhalma (en Hongrie). Ses médiums et graves moins généreux s'appuient sur un vibrato un peu trop serré, mais elle se montre à nouveau tendre pour évoquer "un Ange habillé de blanc".
Les trois chanteurs masculins entremêlent leurs voix dans quelques moments en trio tout en laissant entendre leur personnalité propre. En haute-contre, Cyrille Dubois allie sensibilité et retenue expressive mais déployée néanmoins (voire de ce fait même). Son timbre caressant et ses phrasés conduits sont au service du texte très articulé. Sa musicalité n’empêche aucunement quelques moments de démonstration d'agilité, toujours avec légèreté. La taille Mathias Vidal se montre très expressif, presque (trop) en affirmant le soutien de ses phrasés, alors un rien gêné dans sa fluidité et la prononciation de son texte, qui se veut aussi limpide que sensible. La basse-taille David Witczak fait entendre un timbre large, légèrement sombre et noble, offrant notamment une profonde complainte introductive.
Le Purcell Choir sait aussi bien déployer sa masse chorale (mais avec un travail de diction), qu'une caressante noblesse : très clair et homogène dans le son et les phrasés, puissant dans le Te Deum. L’Orfeo Orchestra entremêle les harmonies, mettant subtilement en lumière ses audaces, offrant nuances et précisions grâce à la direction sensible et cohérente de György Vashegyi.
Ce disque poursuit ainsi la collaboration de ce chef et de ces ensembles avec le CMBV, partenariat qui fêtera ses 10 ans l'année prochaine et dans deux ans le 10ème anniversaire du disque dédié à d'autres Grands Motets, ceux de Mondonville.