L’Ensemble Cosmos aux origines de sa création : « Of Grief and the Divine »
« Quelle est la place de la voix soliste dans un ensemble vocal ? » C’est autour de cette problématique que les musiciens de l’Ensemble Cosmos se sont rencontrés lors d’une session de formation à Royaumont. Après une première série de concerts « Nuit et Mystère », l’Ensemble fait le choix d’aborder un répertoire de musique anglaise du XVIIème siècle peu connu, les noms de Matthew Locke et John Blow ayant été quelque peu évincés par leur contemporain Henry Purcell. La structure des pièces choisies, des hymnes à versets (Verse Anthems), avec leur alternance de passages en chœur et de parties solistes, offre aux jeunes artistes un riche terrain d’exploration quant à leur recherche sur la place de la voix en soli et en tutti.
Dès la première écoute l’ordonnance sonore s’établit, permettant aux harmonies d’irradier de toutes leurs saveurs et aux textes en anglais d’être compréhensibles (pour l’Église anglicane réformée, le texte devait être compris par tous). Si les individualités vocales sont audibles, c’est dans un même geste que les chanteurs marient leur timbre en contrôlant le vibrato, en entrant délicatement dans le son et en se répondant à intensité égale afin de créer un cosmos harmonieux.
Quelques effets théâtraux jalonnent O Lord, I have sinned (Ô Seigneur, j’ai péché) de Blow comme les glissandi pour évoquer le gémissement du pécheur, ou les sanglots dans la voix afin d'appeler le Seigneur à l’aide. Le tout demeure cependant dans une nuance contenue : les alleluja conclusifs apparaissent dans une exaltation contrôlée et les larmes de Jerusalem s’écoulent sans démonstration dramatique (She weepeth sore in the night and her tears are on her cheeks - elle ne cesse de pleurer dans la nuit et ses larmes coulent sur ses joues).
Le contre-ténor Damien Ferrante, le ténor Paco Garcia et le baryton-basse Maxime Saïu introduisent la plupart des Verse Anthems, imposant une teinte douce et mélancolique qui se retrouve dans toutes les pièces de l’album, et qui, comme l’indique le livret accompagnant le CD, permet « d’exprimer une profonde croyance ainsi qu’un rapport intime à la foi : Dieu est présent au quotidien dans l’Angleterre fervente de cette époque ». Lorsque les sopranos Morgane Collomb et Alice Kamenezky rejoignent l’ensemble, une couleur lumineuse advient sans rompre pour autant l’équilibre cosmique.
Richard Golian se joint au groupe pour les pièces nécessitant deux ténors, participant ainsi à la liesse finale, « Rejoice » de sa voix solaire richement timbrée.
Au centre de cet univers, la basse continue assurée par Justin Glaie à la viole de gambe et Loris Barrucand à l’orgue positif et au virginal (cousin du clavecin) polarise les voix dans leurs résonances. Les notes semblent issues du doux timbre de l’orgue positif dans « How doth the City sit solitary » (Quoi, elle est assise à l’écart, la ville populeuse !) de Locke et le détaché des vocalises dans la dernière pièce est aussi précis que le détaché des notes au virginal, achevant l'album dans une certaine ferveur.
Si chaque galaxie vocale existe intrinsèquement, le son d’ensemble est cependant privilégié dans une sobriété touchante, l’Ensemble Cosmos proposant une invitation au voyage dans un univers bien ordonné et apaisant.