Célébration glacée de Noël, concert Bryn Terfel pour le Met Live à la Brecon Cathedral
Il ne s'agit donc pas d'un récital d'opéra ou de mélodie mais plutôt une suite d'arrangements de chansons populaires (“O Tannenbaum”, “Silent night” et des mélodies en gallois), de musique traditionnelle et de quelques grands tubes du répertoire sacré appropriés au temps de l'Avent ("Minuit Chrétien", "Adeste, Fideles" ou encore l'Ave Maria de Schubert). Un programme hétéroclite dont l’unité repose sur la personnalité et le charisme de Bryn Terfel. Le chanteur est entouré d'un ténor (Trystan Llyr Griffiths) et d'une soprano (Natalya Romaniw), tous les deux jeunes et gallois. Le concert est filmé avec les moyens luxueux du Met dans la Brecon Cathedral près de Cardiff : les caméras tournoient de près autour des chanteurs installés sur un podium le tout éclairé à la bougie. Ils sont accompagnés d'un piano, d'une harpe et de trois musiciens traditionnels qui viennent varier les atmosphères selon le type de musique.
La soprano Christine Goerke, qui présente la série de retransmissions, décrit le baryton comme l’un des plus grands Wotan de tous les temps. Le concert ne permet pas vraiment d'en juger car c'est avec une voix de crooner très proche du micro, que le baryton ouvre le programme en chantant Guardian Angel de Robat Arwyn accompagné par le pianiste (de Cardiff) Jeffrey Howard d'un son plutôt sirupeux. Le timbre du chanteur s'épanouit néanmoins, montrant qu'il n’a pas vieilli : il est toujours viril et un peu engorgé, dur par moments mais avec de grandes réserves de puissance et capable de s'alléger soudainement. Avec le temps, les graves sont un peu écrasés et laissent voir venir une légère instabilité sur certaines notes tenues, d'autant que dans ce répertoire sucré de Noël, la voix ne peut pas déployer beaucoup de charme ni d’élégance. Le chanteur est cependant un musicien intelligent qui parvient à animer la soirée par son attention aux mots ainsi que par sa présence sympathique et sobre. La romance à l’étoile de Tannhäuser, chantée comme un Lied, rappelle surtout quel chanteur le baryton peut être à l’opéra.
Trystan Llyr Griffiths quant à lui est un ténor à la voix sombre et efficace, plus ronde que brillante, qui chante l'arrangement en latin de l'Avec Maria de Schubert avec facilité mais sans grandes nuances. Natalya Romaniw à l’inverse capte l'attention par sa voix chaude et épaisse qui semble puissante à travers les micros. Le medium est un peu sourd mais le froid est peut-être en cause (les chanteurs dégagent même de la buée en chantant). Sa version anglaise de “Minuit chrétien” est généreuse avec quelque chose de tranchant dans le son qui impressionne sans que la musicalité ne fasse défaut. La franchise de l’interprétation et la beauté de la voix ressortent dans un concert sans grande prouesse vocale.
Les musiciens gaéliques du groupe Galan qui complètent le programme passent d’un instrument à l’autre avec facilité et ils apportent une touche d’originalité aux concerts du Met. Néanmoins leurs interventions semblent un peu longues ou hors de propos comme les variations sur “O Tannenbaum” (de Carlos Salzedo) par Hannah Stone à la harpe, manifestement très concentrée. En somme le spectacle reste partagé entre l’aspect gargantuesque et généreux du baryton d'une part, et le côté lisse sophistiqué du Met d'autre part, entre des voix opératiques et des musiciens traditionnels, entre l’atmosphère chaleureuse d’un pub et celle glacée de la grande église. Bryn Terfel tente, tant bien que mal, de faire le lien par ses interventions où il s’adresse au téléspectateur avec sa belle voix parlée mais ses coups d’œil sur le prompteur et le silence du lieu transforment son discours en grandes phrases attendues.
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