Il fait novembre en mon âme, Concert hommage aux victimes des attentats du 13 novembre
Le Covid-19 aura rendu impossible le maintien de ce concert dans la salle Gaveau comme initialement prévu, mais la pandémie sanitaire mondiale n'aura toutefois pas empêché de trouver un écrin plus vaste encore (et assurément bouleversant ainsi vide) pour cet hommage aux victimes de l'autre fléau de notre époque : l'intolérance fanatique criminelle. C'est donc dans la Philharmonie de Paris qu'a été enregistré cet événement, intitulé comme la pièce créée en cette occasion (et comme le ressent la planète humaniste en ce jour) : "Il fait novembre en mon âme".
Cinq ans jour pour jour après les attentats de 2015, de nouveau en un "vendredi 13 novembre" (qui porte assurément malheur et deuil), la grande salle de la Philharmonie de Paris est plongée dans le silence, le noir des tenues de concerts et des masques anti-Covid. Mais cette salle de concert accueillant l'hommage pour des victimes qui se rendaient notamment dans un lieu de concert (au Bataclan), d'abord plongée dans l'obscurité se rallume et se ravive. D'abord, ce sont les couleurs radieuses de Mozart (et la joie exprimée par les musiciens) qui illuminent cet hommage plein de vitalité, de richesse, de couleurs : en un mot de cette culture attaquée mais toujours vivante, qui célèbre, se célèbre et affirme sa propre vitalité. La Symphonie évidemment choisie est la n°31, surnommée de "Paris" où elle fut composée (d'autant que le concert est ici interprété par l'Orchestre de chambre de Paris). La joie radieuse vient au premier chef (d'orchestre) du maestro Pierre Bleuse arborant un large et constant sourire, déployant de grands gestes aussi candides que les expressions de son visage. Il admire aux premières loges les mouvements qu'il initie, comme si sa baguette était magique, et elle emmène effectivement une alchimie orchestrale (à peine amoindrie par quelques cuivres dérapant ou des retards de bois), le tout arrondi encore par une réalisation sonore très homogène. À l'inverse, la réalisation audiovisuelle (de cette captation pourtant effectuée trois jours plus tôt) a conservé certains mouvements de caméras brusques et précipités : un contraste qui correspond -même involontairement- au contenu musical de la création Il fait novembre en mon âme.
Cette création mondiale de Bechara El-Khoury lui a été commandée par les parents de Stéphane, décédé au Bataclan. Le glas qui marque le premier mouvement est cinématographique comme les montées orchestrales vers des ostinati de cordes dans l'aigu, ressemblant à un film d'horreur, celui vécu par les victimes. Les stries orchestrales s'ouvrent toutefois vers de plus amples et rassérénantes plages d'accords, pour retomber ensuite dans les coups d'archet, retourner au calme, replonger dans l'horreur, etc. La cohérence de la forme globale du morceau est ainsi sacrifiée, au profit des déchirants contrastes en tragédie et réconfort, qui agitent nos sociétés (certainement comme elles doivent agiter chaque année et chaque jour les proches des victimes). Le mouvement de la musique se déploie toutefois progressivement vers une ligne mélodique qui apparaît malgré tout, comme l'espoir d'une vie et d'une beauté qui continueraient. Le second mouvement de cette œuvre-symphonie présente alors un ralenti, tout aussi cinématographique, notamment porté par les tendres appels de la clarinette (dont certaines couleurs klezmers appellent à la tolérance dans l'union des cultures).
Ce lent mouvement accompagne sans se rompre l'entrée en scène de la chanteuse Isabelle Druet. La mezzo-soprano allie les qualités de l'hommage, le recueillement déployé avec lyrisme. La voix vibre de plus en plus largement au fil des tenues. Celles-ci s'allongent, de moins en moins striées par les sauts arpégés. Son ample ligne mélodique est sans paroles, une grande vocalise renforçant l'universel de l'hommage, de cette prière religieuse ou sentimentale, de la tristesse et de la tendresse... tandis que la lumière s'éteint à nouveau.