Maria Callas - La Passion de la scène
La chronologie des interprétations prouve d'emblée le génie absolu de La Callas, capable de chanter dès les débuts de sa carrière et en même temps les rôles de soprano colorature et les immenses sommets de Wagner.
De cet imposant coffret a été extraite une compilation de trois disques regroupant les chants les plus célèbres. Le terme de best-of aura rarement été aussi mérité que pour ces interprétations par la plus grande interprètes des plus grands airs d'opéra : La Traviata, Tosca, Norma, Médée, La Vestale, La Somnambule, Aïda, Lucia di Lammermoor, Anna Bolena, Iphigénie, Alceste, ...
Sur l'ensemble de sa discographie, la Callas est accompagnée par le doux souffle des anciens enregistrements, la fine neige des vieilles cires, des antiques galettes. L'ensemble est de bonne qualité et les versions qui crépitent, craquellent et saturent, perçant au-dessus d'un magma sonore et orchestral ne sont pas les moins émouvantes, loin de là. La remasterisation a donc conservé ces défauts qui font la beauté et c'est précisément ce qui définit tout le sublime génie de La Callas : la justesse n'est pas parfaite, le souffle est parfois trop court ou trop long, menu ou intense, les nuances vont de l'inaudible à l’assourdissant, du murmure aux hurlements. Mais ces défauts sont des choix d'expressivité qui subliment le drame d'un personnage en venant justement déborder une voix parfaitement lyrique, pleine, agile, surpuissante dans tous les registres.
Le mixage conserve aussi les effets de spatialisation : lorsque la Callas chante au loin ou de près, lorsqu'elle se détourne ou se retourne subitement vers le micro. Les pianissimi peuvent ainsi apparaître plus forts que les forte, ajoutant une profondeur dramatique. Cette version permet d'apprécier la technique de La Divina, autant que ses rugosités. L'audition au casque est immersive mais assurera sursauts et frayeurs lorsqu'un aigu ou un râle de poitrine explosera aux tympans de l'auditeur qui était toute ouïe pour un pianissimo filé.
Dans ces captations live, de rares toux se font entendre et les applaudissements couronnent les fins d'airs. Ce sont même les clameurs d'un triomphe qui explosent parfois avant la fin de l'air (quand l'émotion déborde la raison et la bienséance). La version compilée sur trois disques diminue le volume de ces applaudissements, ce qui gâche quelque peu la magie, comme le fait que certains airs débutent de manière abrupte. Les airs en plusieurs parties étant découpés en plusieurs pistes, l'auditeur aura tout intérêt à s'assurer que son lecteur enchaîne sans aucune interruption ces pistes, sans quoi des phrases musicales sauteront brusquement.
Un album et un univers entier s'écoulent dans le célébrissime et sublimissime "Casta Diva" de Norma. Au cristal de la grande prêtresse répond l'Adalgisa d'Ebe Stignani par son ample et large mezzo fort résonnant. Les voix se complètent et se joignent en des duos d'aigus clair-obscurs, une médaille à deux avers.
Autre incarnation légendaire, Traviata colle à la peau et la voix de Callas. La compilation lui consacre pas moins de six pistes et elle pourrait contenir l'opéra en entier, tant chaque mesure de Verdi, a fortiori chantée ainsi, est un air inoubliable, un tube. Le rôle semble avoir été écrit pour Callas. Traviata est la voix et la vie de Callas : amoureuse éperdue rayonnante, blessée, trahie et sacrifiée.
Les prestations enregistrées sont toutes historiques, uniques. Ainsi l'Aïda de Mexico en 1951 et son mémorable contre-mi bémol tenu sur le tumulte tonnant de l'ensemble. Même salle l'année suivante pour son ultime interprétation dans Rigoletto, puis sa dernière Lady Macbeth (sombre comme la voulait Verdi), à Milan en décembre. La collection dispose aussi de son seul enregistrement de Nabucco, historique aussi en ce qu'il marque le triomphe international de la star lyrique, grâce à sa nouvelle voix et déjà un contre-mi bémol.
La Callas a aussi eu des partenaires de légende qui répondent ici présent et notamment les ténors : Mario del Monaco, Franco Corelli, Giuseppe di Stefano, Alfredo Kraus. Le plus grand coffret pour la plus grande des voix.
La liste des plus grands rôles et des moments historiques enregistrés sur ce coffret vous permet d'explorer les œuvres et les théâtres :
Nabucco à Naples, 20 décembre 1949
Parsifal à Rome, 20 et 21 novembre 1950
Les Vêpres siciliennes à Florence le 26 mai 1951
Aïda à Mexico le 3 juillet 1951
Armide à Florence, 26 avril 1952
Rigoletto à Mexico, 17 juin 1952
Norma à Londres, 18 novembre 1952
Macbeth à Milan, 7 décembre 1952
Médée à Milan, 10 décembre 1953
Alceste à Milan, 4 avril 1954
La Vestale à Milan, 7 décembre 1954
Andrea Chénier à Milan, 8 janvier 1955
La Somnambule à Milan, 5 mars 1955
Lucia di Lammermoor à Berlin, 29 septembre 1955
Anna Bolena à Milan, 14 avril 1957
Iphigénie en Tauride à Milan, 1er juin 1957
Turandot enregistré en studio à Milan au mois de juillet 1957
La Traviata à Lisbonne, 27 mars 1958
Il pirata à New York, 27 janvier 1959
Poliuto à Milan, 7 décembre 1960
Tosca à Londres, 24 janvier 1964