Incendie de Notre-Dame de Paris : déficit, licenciements et grève à la Maîtrise
Les tragédies ont trop souvent tendance à rajouter du sel sur les plaies qu'elles ont ouvertes. Si le catastrophique incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Paris a entraîné une vague d'émotion et de solidarité mondiale, les polémiques n'ont pas tardé (notamment sur la question de la reconstruction architecturale, mais pas uniquement). De nombreux citoyens se sont sentis comme privés de leur patrimoine, de nombreux fidèles ont perdu leur temple. Mais c'est également le cas pour de nombreux mélomanes et pour les musiciens travaillant dans cette grande maison de pierre, de bois et d'histoire artistique.
Pourtant et pour eux, la solidarité aussi s'est organisée : La Maîtrise Notre-Dame de Paris est accueillie depuis lors et régulièrement dans différents lieux sacrés ou profanes (et nous avons pu rendre compte de plusieurs concerts ces derniers mois). Malheureusement, ces lieux sont très loin d'avoir la même capacité d'accueil et le même public de fidèles : les recettes s'en ressentent lourdement pour le budget de la Maîtrise qui reconnaît une situation catastrophique (la structure risque même la mise sous tutelle du Tribunal de Grande Instance de Paris). De surcroît, cette phalange ne peut plus compter sur les ressources versées par la Cathédrale (outre les concerts hebdomadaires à Notre-Dame qui sont devenus bi-mensuels ailleurs, le chœur de la Musique Sacrée animait 1.000 offices par an dans la plus grande Cathédrale de Paris).
Les conséquences sont terribles et l'enchaînement des événements tragiques. Le commissaire aux comptes constate la perte d'un quart des recettes (500.000 euros, sur 2 millions d'euros), entraînant la convocation d'une assemblée exceptionnelle, qui, vendredi 13 décembre dernier, acte cinq licenciements économiques : Susanna Poddighe professeure d’Italien, Jean-François Laplénie professeur d’Allemand, Sophie Decaudaveine professeure d’Anglais, Véronique Roire professeure de Théâtre, ainsi que le responsable du département de chant grégorien et de musiques médiévales, Sylvain Dieudonné. La Maîtrise explique toutefois que cela n'implique nullement l'arrêt de ces pratiques.
Elle explique en outre avoir dû prendre cette décision à contre-cœur et dans la concertation avec les personnes renvoyées (qui toucheront leurs indemnités).
Cette décision provoque un mouvement de grève parmi le chœur, qui "boycotte" désormais les offices et a décidé d'annuler le concert à Saint-Sulpice avant-hier (mardi 17 décembre). Le dialogue se poursuit mais l'incertitude plane sur le concert de Noël prévu dans le même lieu ce mardi 24 décembre au soir. Un concert qui représente pourtant la plus grande ressource financière de l'institution.
La situation est rendue d'autant plus déplorable et insupportable pour les parties prenantes et sans doute au-delà, que les promesses de don pour sauver le bâtiment s'approchent du milliard d'euros, dans un empressement mondial de solidarité pour sauver les pierres mais pas forcément le patrimoine musical immatériel (pire même : les appels au don de la Maîtrise de Notre-Dame sont infructueux et suscitent l'incompréhension du public quant à l'utilité de donner encore davantage à la Cathédrale). Toutefois, comme le précise la Maîtrise par un communiqué :
« Si l'essentiel des sommes collectées par le Fonds Cathédrale de Paris, placé sous égide de la Fondation Notre Dame, sont destinées à la sécurisation du chantier en 2019 et 2020 puis à la restauration de l'édifice à compter de 2021, une affectation partielle est prévue selon les accords passés avec plusieurs mécènes. De plus, un fonds dédié à Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris a été ouvert. Toute personne qui le décide pourra donc y affecter son don. »
Chanteurs comme dirigeants de cette Maîtrise de Notre-Dame plaident pour que leur chorale et la musique soient inscrites dans une procédure d'urgence à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel.