L'Opéra de Saint-Etienne ressuscite Lancelot de Joncières
Ressusciter
Ce projet remonte à l'origine même du Palazzetto Bru Zane et dans l'identité du projet artistique de l'Opéra de Saint-Étienne comme le rappelle pour commencer le chef Hervé Niquet : "Au point de départ et à la confluence de ces missions, notre idée (avec Alexandre Dratwicki et toutes les équipes de recherches du Palazzetto) a toujours été de faire tout le travail de documentation permettant d'aborder à nouveau ces œuvres. C'est ce que je faisais, déjà au Centre de Musique Baroque de Versailles, et avant même cela : un travail de documentation sur tout ce qui concerne l'œuvre, non seulement sur le plan technique et compositionnel mais aussi sociologique, la mode, la finance, les effectifs. Le Palazzetto Bru Zane apporte le contexte, tandis que l'Opéra de Saint-Étienne donne un lieu et un outil merveilleux de production.
Ce projet de Lancelot poursuit la tradition de ce travail. J'ai d'abord découvert Victorin Joncières par d'autres œuvres, notamment Dimitri que j'ai enregistré en 2014 pour le Palazzetto Bru Zane, avec le Chœur de la Radio Flamande et l'Orchestre Philharmonique de Bruxelles. J'étais surpris par le plaisir immense à diriger, écouter, chanter Joncières : c'est un compositeur et même un "producteur" artistique un peu hors-norme, il y a absolument tout dans son œuvre.
J'ai notamment découvert ce Lancelot pour les 10 ans du Palazzetto Bru Zane au Théâtre des Champs-Elysées en 2019 (et en juin dernier à Tours), où nous avons interprété le duo de Guenièvre et Lancelot que j'ai trouvé absolument merveilleux. Alexandre Dratwicki m'a confirmé combien ce Lancelot était formidable, à l'image de ce duo, je lui ai donc dit que si le Palazzetto Bru Zane (dont il est Directeur artistique) le montait, je voulais en être."
Mettre en scène
Tout ce travail vient ainsi nourrir les interprètes : instrumentistes, chanteurs, chef ainsi que le metteur en scène de cette production, Jean-Romain Vesperini, qui nous raconte l'intrigue de cette œuvre ainsi ressuscitée et ses choix subséquents pour cette production : "Lancelot n'a plus jamais été rejoué depuis sa création à l'Opéra de Paris en 1900. Il nous replonge donc à nouveau dans une vision très XIXe siècle et très romantique de la légende arthurienne. Le scénario avance vite, il est bien construit, allant droit au but avec un grand sérieux, une grande solennité (sans scène plus légère ou bouffonne comme chez Shakespeare).
Lancelot y entretient une aventure adultérine secrète avec Guenièvre, la femme du Roi Arthur (Guinèvre et Arthus dans l'œuvre). Lorsque cette relation est révélée par le fielleux Markoël, jaloux de s'être vu préférer le preux Comte Alain de Dinan pour rejoindre la Table ronde, Guenièvre est envoyée au couvent, Lancelot est chassé de la cour. Plus tard, il se réfugie (incognito bien entendu) chez Alain de Dinan. La fille de ce dernier, Hélène, tombe amoureuse de lui : quand Lancelot part pour reconquérir Guenièvre, Hélène, ne voulant pas d'autre mari, décide de partir au couvent, et comme par hasard, elle choisit le même couvent que Guenièvre. Les deux femmes se font des confidences sur leur(s) aimé(s) : sans savoir qu'il s'agit du même homme. Finalement, le Roi pardonne à Guenièvre qui refuse pourtant de quitter le couvent. Lancelot propose à son tour à Guenièvre de partir avec elle, mais elle refuse également. Hélène, entendant ce duo d'amour et comprenant donc la situation, décide de se suicider.
Nous sommes ainsi dans le canon et les archétypes qui se retrouvent dans tant d'autres œuvres du XIXe siècle, des mythes et histoires qui traversent cette société bourgeoise de la Troisième République : la femme adultère qui se repend, la jeune fille qui n'a qu'un seul amour, le chevalier servant qui doit obéir à l'ordre. Mais nous sommes aussi comme au cinéma, face à une histoire d'amour maudite, de personnes malheureuses.
Pour la scénographie de cette mise en scène, nous avons donc choisi une inspiration moyen-âgeuse mais située dans un contexte XIXe siècle : sans décrire les chevaliers de manière réaliste avec des heaumes et des épées, ni une modernisation/actualisation socio-politique (car le drame et la musique ne l'appellent pas) mais plutôt en se situant dans l'époque de l'opéra (d'autant plus, qu'il s'agit d'une re-création de cette œuvre, l'objectif est donc de mettre en scène ce qui est raconté sur le plan littéraire et musical, dans son thème et son époque). Le décor est illustré par des fresques préraphaélites qui décrivent et racontent l'histoire de Lancelot, mais dans le cadre d'un hôtel particulier, d'un palais XIXe siècle. Notre table ronde, de 10 mètres de diamètre, est sur vérin, elle se lève comme le mur du fond pour mener dans un esprit de rêve. Le couvent sera composé de grands châssis de miroirs, comme dans un labyrinthe. J'aime ainsi partir d'un monde réaliste pour ensuite développer l'imaginaire du public.
L'Opéra de Saint-Étienne a pour grand atout et ceci de particulier qu'il dispose d'ateliers sur place, un mini-Bastille qui permet d'avoir des décors peints, qui donne envie de développer des scénographies et costumes dans la plus grande beauté de l'artisanat à l'ancienne. Nous nous sommes donc fait plaisir au service de ce Grand Opéra et du spectateur (tout en respectant un budget serré et en réutilisant des éléments d'autres productions : avec donc un souci durable). Cette maison travaille très bien et j'adore y travailler.
La grande question qui s'est posée à nous était la manière de traiter le ballet, incontournable dans un Grand Opéra mais qui prend ici un acte entier (le 3ème) sur les quatre. L'Opéra de Paris dispose historiquement d'un corps de ballet pour ces pantomimes et danses de salon (Lancelot formé par les fées, apprend le gai-savoir) mais, surtout pour une œuvre ressuscitée, nous ne voulions pas le supprimer (il y aura quelques coupures mais les deux tiers du ballet sont conservés). J'ai travaillé pour la première fois avec un chorégraphe : Maxime Thomas qui est danseur à l'Opéra de Paris, car il dispose d'une formation classique tout en étant à l'aise dans le répertoire contemporain. Comme pour le décor, je voulais partir du classique (danse de ballet sur pointe) et puis avancer vers de la modernité, a fortiori avec nos 5 danseurs qui donnent au ballet un nouvel enjeu dramaturgique, un autre univers parmi la décadence et l'errance de Lancelot."
Diriger
Maintenir le ballet pour rappeler toute sa place dans le Grand Opéra était aussi une évidence dans l'esprit de cette résurrection et de tout le travail du chef Hervé Niquet, qui nous présente la partition et sa direction musicale : "Ce projet de Lancelot est ainsi la continuation de l'idée même qui avait mené à la création du Palazzetto Bru Zane. Il s'agissait de replonger dans le répertoire des Prix de Rome, couronnant les compositeurs à leur sortie de conservatoire et qui sont l'occasion de voir à quel point ils maîtrisaient leur métier : le niveau de composition de ces jeunes gens est ahurissant et je suis admiratif de tout ce qu'ils ont ainsi produit. Ils étaient des mélodistes et des orchestrateurs hors-pairs, c'est le cas pour Saint-Saëns dès sa première cantate alors qu'il n'a que 18 ans, c'est le cas pour Victorin Joncières, jusqu'à ce Lancelot qui est sa dernière œuvre. C'est un maître en son art et même s'il n'est pas connu et que son œuvre n'était plus jouée, il sait mêler les langages dans son style en bon faiseur.
Tout cet enthousiasme se confirme dans le travail de la partition complète : nous sommes tous comme des gamins dans un magasin de bonbons. Ça flatte tout ce qu'on aime dans l'opéra : dans la musique et dans ce bon livret, féru d'histoire, émouvant, malheureux. C'est comme un péplum, avec les mêmes ingrédients fascinants que dans les grands films hollywoodiens entre Errol Flynn et Scarlett O'Hara.
Le monde d'alors est dans un tout autre contexte culturel : il n'y a pas de films, de télévision, de radio, les enregistrements en sont à la préhistoire. Les compositeurs de cette époque offrent donc une expérience complète, tout est là, à l'opéra : vous êtes -comme- au cinéma, il y a du grand spectacle, des effets spéciaux, une histoire, des acteurs, des ambiances médiévales avec leurs couleurs fantastiques (jusqu'au ballet et aux voix cachées au sein de la forêt). L'expression est poussée à son dernier degré pour montrer des images et les rendre en musique, et pour cause : les gens passaient alors une soirée entière (de 17h à minuit) à l'opéra, pour y vivre un événement sensoriel extrêmement puissant. Après, il va y avoir une rupture avec l'avènement du cinéma. C'est aussi ce qui explique pourquoi cette partition a été oubliée, elle a été mise à la scène presque 20 ans trop tard (le temps que l'opéra soit monté, et par rapport aux avancées esthétiques). Si les compositeurs veulent un succès, ils doivent composer un opéra dans l'air du temps mais qui leur ressemble, pour les distinguer. Joncières l'a fait mais au mauvais moment : l'opéra est aussi un monde de modes, d'innovations. Les expérimentations se font à l'opéra et sur les champs de bataille (il n'est qu'à voir l'évolution technique des machines, ou seulement de l'éclairage à l'opéra). Joncières aurait donc certainement connu le succès 30 ans plus tôt, il a simplement perdu sa place à l'époque, mais je n'en ai cure car sa composition nous rend aujourd'hui encore très heureux.
Musicalement, la partition n'est pas facile mais c'est très bien écrit pour la voix (même après 5 heures de travail de répétition, héroïque, les sept solistes sont encore tout sourire). La partition n'a besoin de personne pour être défendue, seulement d'être jouée.
Le début est d'emblée très héroïque, à la Robin des Bois, et la partition continue dans tous ses caractères poignants, ces sentiments si beaux et si bien décrits. C'est très bien écrit pour la voix et pour les musiciens, mais c'est redoutable. L'orchestre, partenaire principal, a une partition immensément intense. Au bout de 2h30 d'une musique très délicate à jouer (il faut tout contrôler, sans s'abandonner), dans les 10 dernières minutes, alors qu'on est épuisés, Joncières part dans des tonalités incroyables (avec 7 bémols à la clé et des doubles bémols) jusqu'à se demander où on doit mettre les doigts.
L'utilisation des chœurs est pour sa part très typée, hommes et femmes séparés : les femmes chantent en coulisses pour le ballet, on entend les êtres magiques de la forêt et on entend les religieuses chanter dans le lointain : c'est impressionniste à souhait, du Monet/Manet. Les hommes sont bien là, solides soldats, des gars pour la bataille".
Incarner
Le metteur en scène soulignait combien cette histoire parle toujours (à l'image de cette légende arthurienne qui a traversé les siècles) et comment l'œuvre est ainsi faite pour que chaque rôle ait son caractère à défendre, dans le jeu et le chant : les quatre ou cinq protagonistes mais aussi les autres. Markoël n'est ainsi présent qu'au premier acte mais tient un rôle déterminant, ou entre autres exemples, le petit rôle de Kadio (écuyer de Lancelot) a le rôle touchant de celui qui suit son maître. Les personnages ont des caractères bien déterminés et connus, à commencer par le rôle-titre.
Thomas Bettinger nous explique comment il incarnera Lancelot, en commençant justement par mettre en avant combien ce personnage, cet opéra, et la légende arthurienne sont éternellement contemporains : "Les relations et rapports humains qui fondent cette histoire de domination, d'amour, n'ont pas vraiment changé. La violence ressentie est parfois maîtrisée grâce aux règles sociales du moment mais pas toujours.
Lancelot est partagé entre l'idée de protéger son image et la haute estime qu'il suscite, mais cette image ouvre aussi la porte au péché, à la séduction, au drame absolu qui fait tout s'effondrer. C'est un peu comme dans le film de Murnau Le Dernier des hommes où un portier d'hôtel, en perdant son travail perd son uniforme donc le statut qu'il avait dans son immeuble : l'image que tous avaient de lui et l'image qu'il avait de lui-même. Lancelot devient ainsi le dernier des hommes (d'autant qu'il est laissé pour mort au milieu de la lande dans un guet-apens), et comme dans le film de Murnau, il préfère cacher son identité à celle qui le soigne (et qui est sa promise).
L'histoire raconte ainsi cette quête de Lancelot pour se racheter, sauver celle qui souffre de disgrâce par sa propre faute, son imprudence coupable, qu'il croit criminelle (il la croit perdue, et apprend qu'elle est encore en vie et va la retrouver au couvent mais elle reste, puis il essaye de se racheter envers Hélène, qui met fin à ses jours). Toutes ces dimensions sont pathétiques (un peu comme Aucassin, caricature de la geste chevaleresque, personnage qui part toujours bille en tête, pour qui tout se casse la figure, et heureusement que Nicolette vient recoller les pots cassés, tout en préservant l'amour-propre d'Aucassin). Lancelot court sans cesse, prenant de grandes décisions, pour sauver le monde, la veuve et l'orphelin mais tout est perdu d'avance car il a brisé le lien fondé sur la confiance, la vertu, l'honneur, la chevalerie (ce que tous pensent voir en lui mais qu'il n'est pas). "Que me reste-t-il donc ?" demande-t-il à la fin de l'opéra, et Guinèvre lui répond : "Ce qui me reste... Dieu".
Toute histoire humaine et toute histoire d'amour est moderne, et le ressenti est ainsi partagé à travers l'histoire. Les mots et les méthodes changent à travers le temps (aujourd'hui il y a moins de guets-apens) mais la modernité se fonde sur les sentiments éternels qu'on partage. Même si nous étions dans une société en réalité virtuelle/augmentée, on aurait les mêmes ressentis et sentiments, on chercherait toujours à les ressentir.
La richesse repose aussi sur les interactions très riches avec les deux figures féminines très différentes : la Reine (installée dans un statut social et avec son mari très amoureux), et la jeune, chaste et pure demoiselle qui guérit Lancelot (mais attribue à Dieu tout le pouvoir des soins), deux rapports très différents mais complémentaires, la puissance du désir amoureux face au pieux soin maternel. Les relations sont auréolées de toute une légende amoureuse mais aussi d'un contexte magique (avec même un philtre d'amour, rappelant aussi combien Lancelot et Guenièvre ont inspiré Tristan et Isolde). Sous son effet, celui d'une passion magique et irrépressible, les deux amants prennent des risques fous, dans la forêt. Ils ont cette forme de terreur, d'élan qui les porte l'un vers l'autre et dont ils sont les jouets se livrant en aveugle au destin qui les entraîne, à ce flot puissant.
Le caractère du personnage et le lien à ce drame se retrouvent bien entendu dans la musique et dans la vocalité de Lancelot. Il est là du début à la fin, mais il n'a pas de véritable air, les personnages s'expriment dans une écriture très théâtrale et dramatique. Les phrases de Lancelot sont très héroïques, tous les personnages ont des aigus mais son écriture est toujours assez haute, elle se fonde sur le grave pour remonter vers les sommets. L'utilisation des rythmes pointés doubles donne de surcroît un côté martial, avec toujours des prises de décision très franches, un retournement, des côtés très dramatiques par exemple lorsqu'il ressent un sentiment d'abandon très fort (toujours sur l'aigu).
Les repères musicaux sont très divers car cette esthétique se nourrit de nombreuses influences, ce qui (nous) interroge, mais de fait elle se nourrit aussi de nous et des choix esthétiques que nous apportons à l'œuvre pour cette série de représentations : chaque choix de tempo, de phrasé imprime un caractère. C'est d'autant plus important et riche qu'il est rarissime de travailler ainsi sur une partition non seulement nouvelle pour nous et sans connaître à l'avance le rôle, mais inouïe, inconnue, et pour laquelle il n'existe pas même d'enregistrement.
Notre propre voix devient notre propre référence de travail : cela permet d'apprendre donc d'autant plus vite, en imprimant notre phrasé et couleur : on confronte les choix seulement à l'image travaillée de la partition et pas à des images sonores d'enregistrements passés (et cela peut être d'autant plus risqué car il faut ensuite mettre les choix en commun avec le chef et les collègues en vue d'un résultat unifié). Toutefois, on suit ce qui est noté sur la partition mais les choix des tempi sont d'autant plus essentiels pour travailler la dramaturgie, la construction du personnage (ce sont des discussions comme toujours pour toute œuvre et toute production), idem pour le travail avec la mise en scène, d'autant plus pour un personnage tel que Lancelot qui peut être si changeant. Les personnages ont plusieurs dimensions, sont très articulés, chacun traversé par de complexes élans humains (pas seulement dans de grands mythes et valeurs abstraites) : le moindre mot nourrit les échanges entre les personnages dans des rapports complexes.
C'est très excitant de n'avoir aucune référence sur une œuvre, de se dire qu'on est en train de reconstruire la musique et le drame avec les collègues."
Re-Présenter
Tout ce projet de Lancelot, cette quête du Graal esthétique consistant à ressusciter une œuvre perdue (des catalogues, et oubliée) est rendue possible et trouve son sens grâce aux forces combinées de toute une maison et de tout un projet. Lancelot se présente ainsi dans la continuité de cette institution lyrique stéphanoise qui a ressuscité Andromaque de Grétry l’an dernier, et avant cela Dante de Godard (déjà mis en scène par Jean-Romain Vesperini dans une scénographie signée Bruno de Lavenère, eux qui co-signent de surcroît les costumes de Lancelot) comme le clamait haut et fort Éric Blanc de la Naulte, Directeur de l'Opéra de Saint-Étienne dans notre interview : "Le fil conducteur reste constant, avec un accent sur la musique française, des compositeurs français et des artistes français. Mon parti-pris est de proposer des titres qui font écho dans l’imaginaire collectif, si possible dans le répertoire français : Lancelot, Andromaque ou Dante sont des personnages qui font partie de notre patrimoine culturel commun, mais je pourrais aussi m’intéresser à des redécouvertes d’opus de compositeurs connus. Après, bien entendu, je me documente pour m’assurer de l’intérêt de l’œuvre et je regarde si d’autres maisons sont susceptibles de s’associer à une coproduction. Je collabore de plus en plus avec le Palazzetto Bru Zane dont le travail est de participer à cette redécouverte : ils sont force de proposition."
Giuseppe Grazioli, Chef principal de l'Opéra de Saint-Etienne se sent ainsi autant investi dans le projet que dans la maison, qu'il défend également comme il nous l'expliquait en interview : "Lorsque j'ai lu la partition piano-chant au moment où cet opéra a été programmé, je l'ai trouvé très intéressant pour sa musique et aussi pour son sujet (il y a eu beaucoup de séries télévisées sur cet univers, y compris la brillante série Kaamelott). J'adore ces compositeurs qui ont eu un énorme succès mais sont tombés dans l'oubli, c'est le cas de Victorin Joncières comme de plusieurs compositeurs à travers l'Europe. S'ils ont eu un tel succès, il y a nécessairement une raison : parfois c'est plus en raison du plateau que de la fosse, parfois c'est l'inverse mais cette flamme qui continue de brûler sous la cendre et se ravive longtemps après a quelque chose de passionnant. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que même les plus grands compositeurs, Bach ou Mozart ont dû être redécouverts (et il reste encore à redécouvrir bien davantage les opéras de Haydn par exemple). Je ne dis pas que Joncières est comme Bach ou Mozart, mais il faut écouter Joncières sans préjugé pour comprendre le succès qu'il a pu connaître, et le mettre en relation avec ses contemporains qui ont eu un succès plus durable (cela permet de comprendre une époque et Joncières est notamment important par le travail qu'il a accompli pour faire connaître Wagner au public français). Joncières élargit donc en tout cela le répertoire et je suis ravi que l'Opéra de Saint-Étienne le programme, a fortiori avec l'expertise du Palazzetto Bru Zane et sous la direction d'un spécialiste tel qu'Hervé Niquet."
Hervé Niquet qui conclut, sur l'action du lieu : "L'Opéra de Saint-Etienne nous offre ainsi le plaisir de la résurrection, dans un contexte d'exception : cette institution et son bâtiment même est un observatoire, déjà littéralement : ainsi perché au sommet de la ville, loin de tous les ennuis du quotidien. Le bâtiment est très fonctionnel, et chose formidable, il a une grande salle de répétition avec de la lumière et une vue sur la ville (tout l'inverse des maisons d'opéra où vous êtes enfermés sans voir le jour du matin au soir).
La salle est très belle et sonne bien, les salles de répétitions sont très disponibles et tout est équipé. Une maison comme Saint-Etienne, qui est infiniment loin des budgets du Met, de l'Opéra d'Etat de Vienne ou de l'Opéra de Paris, prend plus de risques que toutes ces maisons réunies. Aucun de ceux-là ne propose jamais Lancelot de Victorin Joncières ou Dante de Godard (entre bien d'autres exemples). C'est Saint-Etienne qui prend les risques et défend le répertoire."
Rendez-vous vendredi 6 mai 2022 à 20h, dimanche 8 mai à 15h et mardi 10 mai à 20h à l'Opéra de Saint-Etienne pour découvrir Lancelot de Victorin Joncières mis en scène par Jean-Romain Vesperini avec Thomas Bettinger (Lancelot), Tomasz Kumięga (Arthus), Frédéric Caton (Alain), Philippe Estèphe (Markoël), Camille Tresmontant (Kadio), Anaïk Morel (Guinèvre), Olivia Doray (Elaine), l'Orchestre Symphonique et le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire dirigés par Hervé Niquet.