Le point sur la situation à l'Opéra de Paris par son Directeur général adjoint
Martin Ajdari, l’Opéra de Paris a décidé d’annuler totalement les productions de Manon et Don Giovanni, ainsi que le spectacle chorégraphique Balanchine et la production de l’école de danse. Pourquoi n’était-il pas possible de jouer en abaissant la jauge ?
Les théâtres qui ont fait ce choix ont des jauges très inférieures aux nôtres, qui sont de 2700 personnes à Bastille et 2000 à Garnier. Par ailleurs, la limite des 1000 personnes fixée par l’arrêté s’entend personnel compris. Sur nos productions, cela représente entre 250 et 400 personnes. Maintenir ces représentations pour des jauges réduites de 70 à 80% n’était pas très réaliste. Tous les grands théâtres européens ont d’ailleurs pris la même décision que nous : Vienne, Berlin, Munich.
Nous comptons toutefois communiquer notre travail au public via une autre modalité : une captation audiovisuelle de Manon sera diffusée le 17 mars. Cela peut être envisagé aussi pour d’autres productions.
Don Giovanni devait se jouer du 21 mars au 24 avril : n’était-il pas possible de maintenir pour l’instant les dernières représentations ?
L’arrêté porte sur une période courant jusqu’au 15 avril. Cela n’aurait pas eu de sens de maintenir l’ensemble de la production pour jouer uniquement quelques dates [trois dates étaient programmées après le 15 avril, ndlr] à la fin.
Ferez-vous une captation de ce spectacle ?
Nous avons annulé l’ensemble de la production et les répétitions n’ont pas été menées à leur terme. Il ne s’agit pas d’une nouvelle production : elle ne donnera pas lieu à captation.
La production de l’Or du Rhin est prévue du 2 au 15 avril : est-il envisageable de jouer cette production alors même que Don Giovanni serait annulé au même moment ?
L’Or du Rhin est une nouvelle production, prélude d’une Tétralogie programmée sur l’ensemble de l’année. Les répétitions pour La Walkyrie commenceront bientôt. L’ensemble est déjà prévu pour être repris en festival à l’automne. Pour que nous préservions cette perspective de jouer en festival, il faut que la production ait lieu [le temps de répétition prévu avant la reprise en festival n’est pas suffisant pour permettre le travail de création d’une nouvelle production, ndlr]. Nous avons donc assumé très clairement de continuer le travail de répétition et de création de cette production jusqu’à la fin du mois. Si les conditions sont les mêmes qu’aujourd’hui, il est toutefois vraisemblable qu’elle ne pourra pas être donnée au public. Nous aviserons alors en fonction du contexte.
Si l’Or du Rhin devait être annulé, La Walkyrie, qui devait s’intégrer dans une Tétralogie unifiée, pourrait-elle être impactée ?
Ce serait à Stéphane Lissner de se prononcer sur la question. La Walkyrie est l’opéra de la Tétralogie qui est le plus souvent joué seul, mais ce n’est pas le projet. Nous nous tenons pour l’instant à l’objectif de jouer toute la Tétralogie.
Une représentation à huis clos permettant de réaliser une captation, comme cela a été fait pour Manon, est-elle envisageable ?
C’est une option que nous examinons. Nous avions prévu de capter le spectacle au moment du festival, mais nous regardons si nous pouvons l’anticiper dans l’hypothèse où la production étant créée, elle ne pourrait pas être donnée en public.
Nous avons estimé à 7 M€ le coût des annulations annoncées : cela vous paraît-il cohérent ?
C’est en effet également notre estimation de l’impact billetterie de ces annulations. Il y a au-delà des plus et des moins : certaines dépenses ne devront pas être assumées, comme les droits à verser aux sociétés de droit pour la représentation des œuvres de leur catalogue. A l’inverse, il y aura également des manques à gagner supplémentaires, sur la vente de programme ou la restauration.
Pouvez-vous faire jouer des assurances dans cette situation ?
Il n’y a pas d’assurance épidémie ou pandémie.
Les artistes reçoivent-il dans ce cas leur cachet complet ?
La plupart de nos homologues européens rémunèrent les artistes en fonction des représentations jouées. Mais ce sont des discussions que nous avons en ce moment.
La crise du Coronavirus s’enchaine avec les grèves contre la réforme des retraites : comment les équipes de l’Opéra réagissent-elles à ce nouveau coup dur ?
Nous avons un dialogue avec les représentants du personnel : tout le monde est bien évidemment très préoccupé, d’autant que la situation reste évolutive et qu’on n’en connait pas la limite dans le temps. Tout le monde est toutefois prêt à faire face, en ayant tout de même la santé des salariés et du public comme préoccupation première.
D’importantes coupes budgétaires ont été annoncées. Au-delà de l’annulation de nouvelles productions la saison prochaine et celle qui suit, dans quels domaines ces coupes auront-elles lieu ?
Un plan d’économie est en place pour 2020, qui était antérieur à cette crise. Nous réexaminons attentivement mais sans a priori les dépenses d’investissement. Je ne peux pas être plus précis à ce stade.
La saison prochaine peut-elle être de nouveau modifiée du fait des nouveaux déficits liés au Coronavirus ?
Les nouveaux déficits n’engendreront pas d’évolution sur la saison prochaine.
Quelles ont été les parties-prenantes dans les prises de décision récentes ?
C’est le mandat et la responsabilité du Directeur général de prendre ces décisions, ce qu’il a fait après en avoir parlé avec son conseil d’administration, ainsi qu’avec les représentants de l’Etat.
Le prochain Directeur, Alexander Neef, qui devra gérer les conséquences de cette crise, a-t-il été impliqué ?
Il s’est tenu pleinement informé de la situation, mais la responsabilité relève du Directeur général, qui est Stéphane Lissner.
Avez-vous déjà une idée des conséquences que ces événements auront sur les saisons du mandat d’Alexander Neef ?
Alexander Neef prépare ses saisons avec un objectif d’ambition artistique, mais aussi d’équilibre économique et social. Il n’y a pas de conséquence immédiate : nous savons et savions déjà qu’il nous faut être vigilant sur tous les aspects d’une programmation.