Coronavirus : le Ministère en appelle à la responsabilité des artistes, les opéras à son public
Nos voisins transalpins ont réagi dès le 23 février dernier en interdisant les manifestations publiques dans plusieurs endroits au Nord de l'Italie (coupant court au Carnaval de Venise, fermant les opéras de la Sérénissime, de Milan, de Parme et d'autres), confinant même certaines villes. Nos voisins Suisses ont eux aussi pris des mesures fermes : la Confédération Helvétique dénombrant 61 personnes infectées a pour la première fois mis en application sa Loi fédérale sur les épidémies permettant au gouvernement fédéral d'imposer des mesures aux cantons. Cela s'est traduit par l’interdiction des rassemblements de plus de 1.000 personnes. Par conséquent, le Grand Théâtre de Genève a ainsi limité sa jauge en invitant les spectateurs à occuper un siège sur deux.
Pour savoir quelles dispositions ont été prises en France, nous avons interrogé des théâtres lyriques ainsi que le Ministère de la Santé.
Les grandes salles de spectacles nous indiquent n'avoir reçu aucune consigne spécifique, mais les mêmes recommandations générales que celles adressées à tous les citoyens et institutions : à savoir se laver très régulièrement les mains, tousser ou éternuer dans son coude, utiliser un mouchoir à usage unique et le jeter, enfin porter un masque chirurgical jetable en cas de maladie.
L’Opéra national de Paris vient en outre de publier un communiqué rappelant ces consignes et invitant de surcroît les "visiteurs présentant des symptômes grippaux (toux, défaillance respiratoire, fièvre, courbatures) à différer leur venue à l’Opéra de Paris, a fortiori s’ils viennent de zones à risque, ou a minima de porter un masque chirurgical. Selon leur situation, il leur sera proposé un échange ou un remboursement pour les places et billets déjà acquis."
Cela étant, plusieurs personnels de différentes institutions nous confirment qu'il y a le même nombre de solutions hydroalcooliques mises à disposition dans les locaux que le reste de l'année, et même qu'il est compliqué d'inviter les collègues à ne plus se serrer la main ni se faire la bise ("Parmi les équipes techniques, et entre les équipes techniques et l'administration, ce rituel est vu comme une marque de respect et d'unité capitale" nous confie-t-on).
De surcroît, aucune consigne particulière n'est appliquée concernant les artistes, de fait nombreux à revenir de zones touchées. "Ce n'est pas de notre ressort, et nous n'avons pas de consigne particulière sur ce point, aucune annulation n'est prévue" nous explique-t-on (à part une interrogation sur une jeune cheffe d'orchestre chinoise).
Sur ces points, le Ministère de la Santé nous confirme que "les artistes comme tous les autres citoyens sont soumis aux mêmes recommandations de prévention. Pas de consignes spécifiques donc pour cette cible. S'ils rentrent de zone à risque, ils doivent comme tous privilégier de rester chez eux 14 jours, réduire leur vie sociale, ne pas fréquenter les personnes âgées, prendre leur température."
Lorsque nous interrogeons le Ministère sur le fait que des artistes ont chanté dans des "zones à risques" puis le lendemain à Paris, il nous est réitéré la recommandation faite à ces artistes de rester chez eux et de limiter leurs contacts sociaux pour éviter la propagation du virus le cas échéant.
Pas de recommandation spécifique donc pour les théâtres auxquels il n'est pas demandé de regarder les emplois du temps des artistes, les pays dans lesquels ils ont pu jouer : "C'est la même chose pour tous les voyages professionnels, ces recommandations s'adressent à l'ensemble de la population et chacun doit les respecter de manière citoyenne."
Nous sommes actuellement dans le stade 2 de l'épidémie et donc de la réaction des autorités publiques. Pour ce stade 2, les événements de plus de 5.000 personnes sont interdits mais aussi tous les événements publics dans les zones clusters (les plus touchées par le virus). Si les salles de concerts parisiennes en musique classique nous expliquent ne pas avoir perçu de baisse dans les réservations ou affluences (hormis pour les visites des expositions), ce n'est toutefois pas le même constat pour d'autres lieux à travers la France. Notamment pour la centaine de salles de spectacles en tous genres en France pouvant accueillir plus de 5.000 personnes, salles déjà durement touchées économiquement par les conflits sociaux et grèves des mois précédents.
Le stade 3 serait un stade épidémique (le virus touchant tout le territoire et non plus des zones). Le Ministère s'y prépare : "Toutes les mesures seraient alors mises en œuvre et au cas par cas selon la situation étudiée. Cela étant, il y aura forcément un impact sur les activités collectives étant donné que c'est un vecteur de propagation." Quant à savoir ce qu'il en serait pour les spectacles à l'Opéra Bastille, par exemple, qui accueille 2.723 spectateurs, "nous n'en sommes pas encore là", répond le Ministère.
Dernière question posée aux autorités sanitaires publiques, pour savoir quelle serait leur réaction si un opéra ou un théâtre les appelait en indiquant qu'un artiste ou membre du personnel présente les symptômes décrits. Réponse : "La transmission se fait vraiment en cas de contact direct. Les mesures de précautions doivent donc être prises mais étant donnée la distance entre la scène et le public, il serait vraiment exceptionnel qu'une gouttelette, un postillon arrive dans la bouche d'un spectateur. En revanche, l'ensemble de l'équipe proche serait alors suivie."
Quant à savoir si de tels signalements ont déjà été remontés depuis le monde du théâtre, le Ministère n'a pas communiqué la réponse actuellement.