Les spectacles reprennent à l'Opéra de Paris mais les préavis aussi : la grève ne s'arrête pas
Le Directeur de l'Opéra de Paris, Stéphane Lissner mandaté par le Ministère de la Culture pour la négociation sur la réforme des retraites dans son institution, appelait à la reprise du travail lors de ses vœux aux personnels le 17 janvier 2020 (tout en annonçant un plan d'économies drastiques). Il comptait même, dans une interview accordée à Télérama, sur une reprise des activités "sans doute à partir du 23 janvier". Il aura toutefois fallu attendre le samedi 25 janvier (nous y étions) pour que le rideau se relève, à Bastille entre acclamations et huées accueillant le discours syndical lu en prologue.
Les spectacles suivants se sont ensuite bien déroulés. L'Opéra de Paris, qui jusque-là annonçait les annulations, pouvait dès lors publier, plusieurs jours d'affilée, un message bien plus réjouissant : "Les représentations auront bien lieu aujourd'hui"... Jusqu'en ce jour du 28 janvier 2020 où l'institution est contrainte de recycler une fois encore un texte qu'elle a dû utiliser à plus de 60 reprises :
???? Message aux spectateurs : En raison d'un préavis de grève à caractère national contre la réforme des retraites, le bon déroulement des représentations de ce mercredi 29 janvier pourrait être remis en cause.
???? Infos sur : https://t.co/NAtbxoaW7y
— Opéra de Paris (@operadeparis) January" class="redactor-linkify-object">https://twitter.com/operadepar... 28, 2020
Ce message signifie la plupart du temps qu'un préavis de grève est déposé en interne pour la représentation suivante. Depuis le début du conflit le 5 décembre, il a systématiquement été suivi d'un autre message annonçant l'annulation de la représentation. Demain 29 janvier, il s'agira en fait d'une journée de manifestation nationale et les syndicats nous ont toujours affirmé que, dans ces cas-là, les représentations seront systématiquement annulées à l'Opéra de Paris (l'institution ne peut donner cette information que le jour même, en constatant quels sont les personnels grévistes).
[mise à jour du 29 janvier 2020 à 15h, les spectacles de ce soir sont effectivement annulés]
Tous les services à l'Opéra de Paris ont déjà dû transmettre leur copie détaillant les économies possibles pour combler les 15 millions d'euros de déficit engendré par les grèves, copie qui pourrait donc être prochainement à revoir étant donné que chaque date annulée à Bastille coûte 350.000 euros en billetterie, 150.000 euros à Garnier.
Ôlyrix a contacté une fois encore les syndicats qui nous expliquent avoir souhaité reprendre le travail mais n’avoir nullement interrompu la grève :
"Nous avons repris les spectacles car les personnels et les syndicats à l'Opéra de Paris sont des gens responsables. Nous ne voulons pas rendre l'entreprise bancale, étant donné que l'Opéra n'est pas responsable des décisions et des mesures gouvernementales (même si l'Opéra n'a pas été assez réactif et diligent dans les négociations). Le travail ne s'est jamais arrêté, y compris pendant les grèves, mais il faut aussi reprendre les représentations, reprendre le contact avec le public. Tous les artistes ont toujours eu très envie de reprendre et ont vécu les annulations comme autant de sacrifices.
Cela étant, il est hors de question de faire croire que la reprise du travail est pérenne et qu'elle signifie la résolution du conflit. Trop d'informations circulent affirmant par exemple que les danseurs auraient obtenu gain de cause, mais absolument pas ! La clause du grand-père qui a été proposée au Ballet (comme à d'autres catégories de travailleurs dans d'autres branches) revient à sacrifier les générations futures pour un intérêt personnel. Une proposition d'autant plus hypocrite que la clause concerne ceux nés après 1975, et étant donné qu'on ne peut plus danser après 42 cela ne concerne quasiment personne pour le Ballet de l'Opéra de Paris ! C'est encore un exemple d'impréparation et de manque de respect de la part du Ministère. Comme si respecter notre contrat était un privilège."
Des préavis continueront à être déposés nous affirment les syndicalistes en expliquant que "le rôle des organisations syndicales est d'écouter toutes les sensibilités, y compris ceux qui continuent de prôner une grève dure. Mais nous envisageons aussi d'autres formes d'expression et de manifestations, en réinventant d'autres modes de contestations". Pour l'instant les artistes ont diversifié leurs actions en offrant des prestations gratuites sur les parvis de Bastille et Garnier et en faisant lire des communiqués avant les spectacles.
Quant à savoir comment évolue le dialogue, la situation reste pour le moins "catastrophique" dans la bouche des syndicats, qui expliquent "avoir enfin obtenu un nouveau rendez-vous demain avec le Ministère de la Culture mais sans avoir aucun ordre du jour ni document préparatoire. C'est hallucinant, nous avons l'impression d'en savoir plus qu'eux et de devoir faire nous-mêmes la réforme. Soit c'est du je-m'en-foutisme, soit ils n'ont absolument pas travaillé leur réforme".