La Monnaie saison 2019/2020, nouvelle architecture pour un 3ème mandat
Cette "nouvelle architecture" qui sera une constante pour son mandat consiste à commencer chaque saison par deux commandes en créations mondiales avant de regrouper au printemps "différents opéras apparentés réunis sous une dramaturgie générique. Le public pourra donc s’attendre à une trilogie ou une tétralogie." Les mélomanes bruxellois pourraient donc apprécier les prochaines saisons la Trilogie populaire de Verdi (Rigoletto, Le Trouvère et La Traviata), la Tétralogie de Wagner ou encore Le Triptyque de Puccini (Il Tabarro, Suor Angelica, Gianni Schicchi)...
Après Medeamaterial en 1992 et Penthesilea en 2015, La Monnaie créera pour la troisième fois un opus commandé au compositeur français Pascal Dusapin (né en 1955) : Macbeth Underworld, "un cauchemar lourd de bruit et de fureur" (full of sound and fury dans le texte d'origine), centré sur "le mystère Macbeth [plutôt] que sur l’homme de pouvoir". Le jeune metteur en scène Thomas Jolly poursuivra son parcours à l'opéra après avoir été justement révélé par ses marathons théâtraux de Shakespeare. Le Directeur musical des lieux Alain Altinoglu dirigera le couple terrible incarné par Georg Nigl et Magdalena Kožená. Un spectacle qui sera ensuite assurément à l'affiche en France (il s'agit d'une co-production avec Rouen et l'Opéra Comique de Paris).
Autre création mondiale du côté obscur, et qui marche par trois comme actuellement la création des Trois Contes de Gérard Pesson à Lille, autre compositeur français, Benjamin Attahir (né en 1989), autre livret d'après Maurice Maeterlinck (non pas Pelléas et Mélisande) : Trois petits drames pour marionnettes inspireront l'opéra Le Silence des ombres avec l’auteur et metteur en scène Olivier Lexa. Julia Szproch, Raquel Camarinha, Clémence Poussin, Renaud Delaigue et Pierre Derhet changeront trois fois de peaux pour incarner les rôles des contes : La Mort de Tintagiles, Intérieur, Alladine et Palomides. Le compositeur sera lui-même placé à la direction de l'Orchestre de chambre de La Monnaie.
Cette création est réalisée avec le soutien du réseau européen d'Académies d'opéras (European Network of Opera Academies), dont le Festival d'Aix-en-Provence est membre fondateur. Les jeunes talents de l'ENOA qui coopéreront également avec ceux du Teatr Wielki de Varsovie où aura été créé un nouvel opéra de chambre d’Andrzej Kwieciński : Moniuszko à Paris (du nom de Stanisław Moniuszko, 1819-1872, considéré comme "le père de l’opéra polonais").
La Monnaie aime monter un "projet lyrique herculéen" autour du printemps (cette année il s'agit de l'enchaînement Frankenstein en création mondiale-Robert le diable-Tristan et Isolde), l'an prochain il s'agira de la Trilogie Mozart-da Ponte : Les Noces de Figaro, Così fan tutte et Don Giovanni. Ces trois opus mis en scène par Clarac-Deloeuil > le lab seront interprétés d'abord en format Festival (d'affilée avec un jour de relâche entre deux) : s'ils seront autonomes, "c’est dans leur jeu d’ensemble qu’ils divulgueront tous leurs secrets". Antonello Manacorda et Ben Glassberg dirigeront chacun les trois opus et plusieurs interprètes tiendront des rôles dans les différents spectacles : Ginger Costa-Jackson sera Cherubino et Dorabella, Robert Gleadow Figaro et Leporello, Björn Bürger Don Giovanni le Comte Almaviva, Simona Houda-Šaturová la Comtesse et Donna Anna, Sophia Burgos Susanna et Zerlina, Rinat Shaham Marcellina et Despina, Alexander Roslavets Bartolo et Il Commendatore, Riccardo Novaro Don Alfonso et Antonio.
Du printemps à l'automne, d'une trilogie à un triptyque, des tromperies à la sainte vierge : La Monnaie encadre ensuite deux œuvres nommées Jeanne d'Arc par un spectacle familial nommé Trois femmes fortes. La Giovanna d’Arco de Verdi fait son entrée au répertoire de la maison avec la soprano Salome Jicia en version concert dirigée par Giuliano Carella. Jeanne d’Arc au bûcher, mystère lyrique signé Arthur Honegger et Paul Claudel en 1935 viendra de la capitale des Gaules : dans la mise en scène de Romeo Castellucci, avec l’actrice Audrey Bonnet mais aussi Denis Podalydès (nous en avions rendu compte). Comme à Lyon, l'œuvre sera dirigée par Kazushi Ono, qui retrouve douze ans plus tard La Monnaie dont il a été le Directeur musical pendant six ans (2002-2008).
Le rêve, le désir et l'illusion sont au programme des trois autres opéras à l'affiche. Krzysztof Warlikowski fera du héros des Contes d’Hoffmann un cinéaste (thème récurent dans ses productions, comme l'usage de la vidéo qui permet de contrôler les destins). Le rôle-titre sera tenu en alternance par Eric Cutler et Enea Scala avec Patricia Petibon et Nicole Chevalier dans les quatre parties de soprano, le tout dirigé par Alain Altinoglu. Tout comme pour Le Chevalier à la rose de Richard Strauss par Damiano Michieletto avec Sally Matthews/Julia Kleiter se partageant la Maréchale et Michèle Losier/Julie Boulianne en Octavian.
La Dame de pique de Tchaïkovski sera mise en scène par David Marton et dirigée par Nathalie Stutzmann. Elle mettra à l'honneur Anne Sofie von Otter dans le rôle de la Comtesse, ainsi qu'un duo français en Comte et Prince : Laurent Naouri et Stéphane Degout (dont le titre de notre interview était justement « Me lancer dans le répertoire russe »).
Strauss et Tchaïkovski dirigés par Alain Altinoglu forment également le cœur du programme de concerts, avec également un thème USA et des pièces contemporaines. Le chef dirigera aussi Carmina Burana avec les forces musicales des lieux et le Belgian National Orchestra pour accompagner Jodie Devos, Enea Scala et Mattia Olivieri.
En outre La Monnaie se revendique comme "l’une des rares maisons culturelles en Belgique à poursuivre la défense active de l’art de la mélodie", avec Nora Gubisch, Marie-Nicole Lemieux et Daniel Blumenthal, Jodie Devos et l'Ensemble Contraste, Stéphane Degout & Simon Lepper (notre interview croisée), Michael Spyres & Roger Vignoles, Franz-Josef Selig & Gerold Huber.