Reportage parmi les spectateurs -28 ans de l’Opéra de Paris
Depuis le début de l’ère Lissner, les répétitions générales de certaines productions (lyriques comme chorégraphiques) sont transformées en avant-premières réservées aux jeunes de moins de 28 ans. Chaque place y est vendue 10 euros, quelle que soit la catégorie. A ce tarif, la salle ne tarde pas à se remplir. C’est d’ailleurs une difficulté régulièrement mise en avant : les séances sont vite complètes (« Ça se joue en 30 secondes ») et il est parfois difficile d’obtenir le précieux sésame. A l’exception de quelques jeunes, attirés par les ors du Palais Garnier ou par les débuts à l’Opéra de Paris de René Jacobs, tous les spectateurs interrogés à l'occasion d'Il Primo Omicidio avaient d’abord tenté en vain de réserver des places pour l’avant-première des Troyens, œuvre plus connue donnée en avant-première le même soir.
Nombreux sont ceux qui découvrent l’opéra à cette occasion : « A la base, l’opéra n’est pas trop mon truc. Ça me permet de voir ce que c’est. ». La curiosité est le maître-mot. L’occasion de déconstruire des clichés : « L’image que j’ai de l’opéra est celle qui est véhiculée par les films comme Intouchables ». « J’avais des a priori sur l’art lyrique : je suis réconciliée », confie une autre spectatrice. Toutefois, certains jeunes spectateurs ont déjà une vie culturelle intense (« Je viens régulièrement à l’opéra, y compris en dehors des avant-premières : il m’arrive de casser mon budget »), ce qui leur permet d’avoir des attentes élevées (« J’attends beaucoup de la mise en scène : il est tout de même rare de voir un oratorio mis en scène. ») et des avis déjà très construits (« J’ai reconnu plusieurs dispositifs scéniques déjà utilisés par Castellucci dans Inferno, comme l’utilisation des enfants ou la bâche qui recouvre la scène »).
Fait intéressant, les jeunes qui viennent à l’opéra pour ces événements, profitent également de l’opportunité pour voir des ballets, alors que les deux publics tendent à être cloisonnés au sein du public payant ses places au plein tarif. « J’essaie d’avoir des places à toutes les avant-premières. Lorsque j’arrive à en obtenir, je regarde ensuite de quoi il s’agit. L’objectif est aussi de s’ouvrir à des spectacles qu’on n’irait pas voir spontanément », explique une spectatrice.
Si à la fin de l’opéra, et malgré l’ovation offerte aux artistes, metteur en scène compris, les avis restent très mitigés (ces avant-premières servant de répétitions générales, certains aspects de la mise en scène de Romeo Castellucci, à découvrir ici en compte-rendu, n’étaient pas encore aboutis), tous les spectateurs ont bien l’intention de continuer à fréquenter ces événements… tant que leur âge le permet. Nombreux sont ceux à estimer qu’ils continueront à fréquenter l’opéra ensuite : « C'est devenu une sortie régulière pour notre groupe d'amis. Nous continuerons à nous y retrouver après nos 28 ans ». Ils envisagent même d'explorer de nouveaux territoires : « J’ai été voir un récital au Théâtre des Champs-Elysées que je ne serais jamais allé voir si je n’avais pas découvert l’opéra par ces avant-premières ». Initier les jeunes à ce pan de la culture est la raison d’être de cette initiative : mission accomplie.