Philippe Martin, Directeur artistique de la 3e scène (et fondateur des Films Pelléas, responsables du documentaire L'Opéra) explique combien l'enjeu de cette 3e scène est d'attirer vers le monde de l'opéra de nouveaux publics, les "communautés" hip-hop, celles autour de Abd Al Malik (réalisateur d'un Otello sur la 3e scène), les fans de Benjamin Millepied et les cinéphiles appréciant Fanny Ardant, Bertrand Bonello, Xavier Veilhan, Mathieu Amalric ou encore Valérie Donzelli (avec Jonas Kaufmann) : attirer ceux qui pensent que l'opéra n'est pas pour eux, pas accessible.

Dans le film de Clément Cogitore, des danseurs hip-hop forment une "battle" (combat dansé entre individus et groupes formant une arène) sur la "Danse des sauvages", tube des Indes galantes de Rameau. La sauvagerie de cette danse faite de coups portés presqu'au but et de menaces est un message politique : il s'agit du Krump, enfant terrible du hip-hop né dans les années 2000 au cœur des quartiers pauvres de Los Angeles pour dénoncer les violences policières.

Cette danse colle à Rameau. Symboliquement, le Krump dénonce un préjugé et une violence envers les minorités, un parallèle étourdissant et humaniste avec l'époque de Rameau qui passe au mythe du "bon sauvage" (après l'image du cannibale sanguinaire et avant de nombreux progrès encore à accomplir).

De puissantes percussions ont été ajoutées à la célèbre musique. Les danseurs en cercle (en arène autour des lutteurs) se meuvent en rythme, avec frénésie. Les corps s'animent et s'agitent, mais pour mieux s'immobiliser, tendus, convulsés avant d'exploser en tous sens. Des solistes alternent et répondent à des tutti (un miroir impressionnant entre la compagnie de danse moderne et l'orchestre baroque). Le Krump est tout simplement hallucinant dans ses mouvements de bras virtuoses, ultra-rapides, des mitraillettes dignes des plus éblouissants jetés d'archets d'un concertiste. Il faut dire que l'Opéra de Paris a su combiner ce qu'il se fait de meilleur dans les deux arts : Les Indes galantes de Rameau dirigées par Emmanuelle Haïm et des spécialistes, parmi même les fondateurs du Krump, ainsi que les danseurs reconnus d'un très haut lieu de la culture Krump et hip-hop en France : le parking du Décathlon de Montreuil.