Concours Corneille 2019 à Rouen : retour aux voix
Le concours parcourt les formes et les traditions baroques, dans un format dynamique : 10 à 15 minutes pour chacun des candidats (32 sont attendus, venant de 13 pays : Bolivie, Royaume-Uni, États-Unis, Israël, Brésil, Japon, Italie, Allemagne, Mexique, Pays-Bas, Belgique, Canada, France), tout en laissant le public entrer et sortir à son gré et gratuitement jusqu'à la finale.
Les lauréats rejoindront notamment les artistes vocaux récompensés en 2017 : la soprano française Eugénie Lefebvre (premier prix), le contre-ténor américain Eric Jurenas, ainsi que la soprano belge Jana Pieters.
Ôlyrix s'est entretenu avec l'initiateur de ce projet et la présidente de la prochaine édition, Stéphanie d'Oustrac qui explique d'abord comment s'est décidée sa participation au Concours Corneille 2019 :
C'est une proposition informelle que m'a faite Vincent Dumestre, autour de plusieurs projets artistiques que nous envisagions. Je n'avais jamais eu l'occasion de participer à ce type de concours, beaucoup m'ont été proposés mais je n'avais pas pu dégager du temps. Toutefois, après mes productions récentes [retrouvez ici sa lyricographie, ndlr], j'avais justement besoin de choses un peu plus "tranquilles", ressourçantes.
Vous enseignez également, mais qu'attendez-vous d'un Concours de chant et d'en assumer la présidence ?
C'est une grande question : je ne peux pas savoir, car ce sera une première fois pour moi. Certes, je contribue déjà à "sélectionner" les étudiants avec lesquels je vais travailler pour les formations vocales au Pont Supérieur à Rennes. L'enjeu est le même : celui d'apprécier une personnalité, mais je cherche alors ce que je pourrai leur apporter durant trois années et pour ces occasions nous avons aussi une phase très importante d'entretiens. Pour un concours de chant c'est très différent, mais je souhaite aussi travailler beaucoup avec l'ensemble du jury : voir aussi ce qui est important pour eux et ce qu'ils cherchent mais en repérant les évidences qui apparaissent, assez souvent en fait (grâce au mélange entre la personnalité artistique, humaine, théâtrale).
Quels conseils donnez-vous aux jeunes candidats et plus généralement aux artistes confrontés à ces moments très importants que sont les auditions ?
Vraiment se préparer mentalement. J'en parle avec un ostéopathe qui montre combien les chanteurs sont des sportifs, qui doivent avoir une véritable préparation, physique et mentale (à prendre très au sérieux). Travailler sur ses points forts et ses points faibles, ce qu'on ne prend pas assez le temps de faire.
Avez-vous des recommandations particulières concernant le répertoire imposé du concours ?
J'ai récemment donné une leçon de chant filmée à l'Opéra Garnier et j'ai une fois encore vu et dit combien j'aime que le chanteur soit totalement investi dans ce qu'il interprète. En cela, on ne peut pas dissocier la voix du jeu, de l'incarnation : avoir intégré un personnage et faire une proposition. Il ne faut pas seulement s'enfermer dans la belle vocalité, d'autant que ce répertoire baroque est infiniment expressif. Être totalement investi dans l'intention, dans le personnage aide à la technique vocale. On travaille tout en même temps, tout se tient.
La préparation avant une audition est-elle fondamentalement différente de celle précédant la prise d'un grand rôle lyrique (comme Cassandre par exemple) ?
Oui, parce que le rôle se construit avec d'autres (d'autant que si on est engagé par un opéra et qu'on accepte le rôle, c'est qu'on doit en être capable). Alors qu'en concours on ne sait pas ce que le jury cherche. Une fois encore, il s'agit d'être très clair mentalement par rapport à ce qu'on souhaite offrir. Et les résultats des concours ne remettent donc nullement en cause une personnalité artistique.
Avez-vous l'impression qu'il devient de plus en plus capital de remporter des concours pour lancer une carrière ?
Certains directeurs de théâtre m'ont dit : "Vois-tu beaucoup de premiers prix de concours sur les scènes ? Non." Toutefois, cela apporte de la confiance (pour ce moment où l'on sort du monde de l'école pour aller vers le monde professionnel) et une visibilité, mais l'essentiel est de voir ce qu'on en fait, ce qu'on fait, les rencontres avec d'autres artistes.
Ôlyrix s'est également entretenu avec Vincent Dumestre, fondateur de cette compétition, qui en explique la genèse :
En Europe, il existe des concours devenus de véritables institutions (Reine Elisabeth, Long Thibault, Voix Nouvelles pour les musiques romantiques, Bruges), mais les concours dans le domaine de la Musique Baroque sont plus rares en France. Pour la musique instrumentale d’archet par exemple, le Concours Corneille est le premier en France !
Quels étaient les objectifs alors et quelles sont les perspectives désormais ?
Nous avons commencé les trois premières années avec un cycle Archets (violon, violoncelles, violes) puis Clavecin, et enfin la voix. J’ai choisi désormais d’alterner la voix une année sur deux, la voix étant le modèle pour le répertoire baroque et puisqu’elle occupe la place principale dans notre notre répertoire, mais aussi parce que la Normandie, avec son nouveau Pôle Lyrique Normand inauguré par la Région, avec ses deux beaux opéras (Opéra de Rouen, Théâtre de Caen) construit un projet fort autour de la vocalité dans lequel ce Concours occupe une place essentielle.
Quels conseils donneriez-vous aux candidats (en général et plus particulièrement vis-à-vis du répertoire au programme) ?
Chaque artiste a sa propre psychologie par rapport à ce moment un peu particulier - et bien différent du concert ! - qu’est le concours. Il n’y a donc pas de recette dans l'absolu, mais il n’est pas inutile de rappeler que chacun des trois tours est un enjeu différent, d’abord de découverte, puis de confirmation, enfin de consécration. Ttrois étapes, si on les franchit, qui se gèrent de manière distinctes, et dans lesquelles il faut savoir montrer les multiples facettes de sa personnalité. Pour la voix, on sera attentif à des qualités qu’on souhaite retrouver ensuite sur scène : le legato, le souffle, l’agilité, la justesse, l’ambitus de la tessiture, le soutien, la diction, la langue. Et au-delà des paramètres techniques, le charisme, la présence scénique, la musicalité, le phrasé, sont évidemment des éléments très importants. Mais aussi l’intelligence du répertoire choisi !
Accompagnez-vous les anciens lauréats ?
Le concours est un tremplin pour les jeunes générations, nécessaire dans un milieu -celui de la musique baroque- où les engagements se font plus souvent par le bouche-à-oreille que par des voies plus formelles telle que l’audition. Nous offrons trois prix et un prix du Public, pour un montant total de 7000 €. Mais surtout, les chanteurs ont la possibilité de se faire connaitre, en se produisant devant un jury de personnalités incontournables du milieu professionnel. Les professionnels sont invités à la Finale, la BBC et France Musique invitent ensuite les artistes sur leurs ondes, et nous faisons la promotion de nos jeunes artistes. Les Jeunes Talents parisiens offrent un concert au lauréat dans leur saison suivante, et nous sommes en discussion avec des salles et festivals pour élargir l’accompagnement de nos jeunes étoiles montantes !
Stéphanie d'Oustrac sera entourée au sein du jury par des "experts internationaux libérés de leurs fonctions pour répondre à l’invitation, et recueillir les pépites" :
Vincent Dumestre, chef d’orchestre, directeur musical du Poème Harmonique (France)
Damià Carbonell Nicolau, Directeur du département des Affaires Artistiques de l’Opéra National d’Amsterdam (Pays-Bas)
Alain Perroux, Conseiller artistique et dramaturge du Festival d’Aix-en-Provence (France)
Christian Schirm, Directeur artistique de l’Académie de l’Opéra de Paris (France)
Ashley Solomon, Chef du Département d’interprétation historique du Royal College of Music de Londres (Royaume-Uni)
Liudmila Talikova, Directrice de la troupe d’opéra du Théâtre du Bolchoï (Moscou, Russie)
Le premier tour se déroulera les 12 et 13 septembre 2019 avec un programme d'airs d’opéra Français et Italiens du XVIIe et XVIIIe siècle. Deuxième tour le 14 septembre avec des œuvres sacrées du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle. La Finale du dimanche 15 septembre mettra à l'honneur les pièces des grands maîtres Charpentier, Lully, Campra, Rameau.
Le premier prix dispose d’une enveloppe de 4000 €.
Le deuxième prix obtiendra 2000 €.
Le prix du public, quant à lui, sera d’une valeur de 1000 €.
Enfin et pour la première fois, sera décerné un Prix Jeunes Talents, dont le lauréat sera invité à se produire durant la saison du Festival Européen de l’Association Jeunes Talents (Paris).