Admonesté en plein concert, Jonas Kaufmann envisage de ne plus retourner à la Philharmonie de l'Elbe
Dans une interview au quotidien régional Hamburger Abendblatt, le ténor a rapidement réagi à l'incident. Il déclare comprendre qu'une partie du public ait pu être agacée de ne pas entendre correctement et de se sentir comme des spectateurs de seconde zone. Selon le ténor, l'acoustique de la Philharmonie de l'Elbe pose de vraies questions, notamment en raison du choix des matériaux : du bois aurait permis un son plus doux et chaud. La salle doit désormais assumer d'avoir choisi de privilégier les concerts avec de grands orchestres. L'artiste suggère toutefois aux tutelles de cet établissement de consacrer une partie de son budget très onéreux à l'installation d'une plaque acoustique permettant de soutenir les plus petits formats de concerts.
Jonas Kaufmann rappelle toutefois combien de telles réactions du public peuvent déconcentrer les interprètes et il souligne qu'il n'a aucune sympathie pour ceux qui expriment leur mécontentement de cette façon. Il précise en outre que la salle n'accueillait pas son public de mélomanes habituels mais de nombreux touristes attirés par la nouveauté des lieux et il regrette d'autant plus cet incident qu'il souhaite œuvrer pour montrer que la musique classique n'est pas réservée à une élite.
S'il se refuse pour l'instant à tirer un trait définitif sur la Philharmonie de l'Elbe, il conditionne un éventuel retour à la possibilité de faire un discours concernant l'acoustique de la Grande Salle et indique surtout préférer la Laeiszhalle dans cette même ville de Hambourg : « [es ist] doch wunderbar! » (elle est merveilleuse).
La Philharmonie de l'Elbe, par la voix de son porte-parole, a par la suite répondu à nos questions en apportant les précisions suivantes :
« Il faut savoir que la Grande Salle de l’Elbphilharmonie dispose de pas mal de fauteuils qui sont situés derrière la scène. Cette situation est désavantageuse pour les spectateurs d’un chanteur ou d’une chanteuse en solo qui se trouve(nt) tout près du chef d’orchestre, surtout quand il s’agit d’un répertoire comme le »Chant de la terre« de Gustav Mahler avec une instrumentation tellement riche, complexe et pourtant forte. Il est bien évident que physiquement la voix humaine non amplifiée rencontre des difficultés pour s’élever au-dessus et à travers une telle texture, surtout de dos.
La direction artistique et générale de l’Elbphilharmonie tend à recommander aux organisateurs de concerts externes de placer les chanteurs plutôt en arrière de la scène afin que les sonorités se mêlent mieux et que les spectateurs derrière la scène perdent le moins possible du chant précieux. De plus pour un tel répertoire – chant solo avec orchestre et récitals de Lieder – nous préférons, tout comme Jonas Kaufmann, la Laeiszhalle, la belle "boite à chaussures" pleine de bois (ou, pour les Lieder, bien sûr également la Petite Salle de l’Elbphilharmonie). Néanmoins l’Elbphilharmonie est encore une nouveauté tellement spectaculaire qu’elle séduit organisateurs comme artistes, qui souhaitent se présenter plutôt dans le Grande Salle que dans la Laeiszhalle alors que celle-ci serait parfois le meilleur choix pour certains programmes.
Enfin, nous souhaitons dire que parmi les quelques 700 concerts qui ont eu lieu dans la Grande Salle de l’Elbphilharmonie depuis son inauguration [le 11 janvier 2017], l’acoustique et l’arrangement des fauteuils n'ont posé problème que pour trois ou quatre concerts. De plus, il y a beaucoup de formes de musique vocale qui fonctionnent parfaitement dans la Grande Salle – les chœurs, les oratorios, les opéras semi scéniques ou de chambre (par exemple Ian Bostridge et un casting anglais y présentaient »Curlew River«, Gergiev et le Mariinsky y ont donné »Iolanta«, Philippe Hersant son »Tristia« avec Teodor Currentzis et sa fameuse troupe de Perm, ou encore un »Don Giovanni« avec Gerhaher et plus récemment un autre avec Erwin Schrott)… »
Jonas Kaufmann a également annoncé qu'il poursuivrait bien sa tournée Das Lied von der Erde prévue en ce mois de janvier à Lucerne, Dornach (également en Suisse) ainsi qu'à Baden-Baden : Ôlyrix sera présent et vous en rendra compte.
Réservez ici vos places pour voir et entendre Jonas Kaufmann dans Tosca à Bastille
L'intérieur de la Laeiszhalle :
L'intérieur de la Philharmonie de l'Elbe :