Mignon à l’Opéra de Liège : le Chœur
Le chef d’orchestre de cette production, Frédéric Chaslin, poursuit d’abord sa présentation de l'œuvre : après la phalange instrumentale, il détaille la phalange chorale. “Là encore Thomas choisit la voie italienne pour le traitement du chœur. En effet, que ce soit Wagner, seul maître à bord à l’époque de la composition de Mignon, ou ses prédécesseurs et successeurs -Weber, Strauss, etc.- les compositeurs lyriques allemands n’étaient pas amateurs de grands mouvements de foule. Dans Mignon, le chœur joue le double rôle de l’interaction, en commentant, interpellant, interagissant avec les solistes, mais aussi il agit parfois seul comme dans le grand chœur a cappella du dernier acte. Amplificateur de l’émotion régnante, il est là pour animer la foire et danser au bal. Le chœur joue son rôle de ‘grosse masse’ avec efficacité et sert à gonfler un crescendo dans un ensemble, à souligner un effet ou tout simplement à remplir un effet de foule. Ambroise Thomas fait cela avec une maîtrise du contrepoint qui fait presque pardonner l’absence de trouvailles ou de recherches de couleurs.”
Denis Segond, Chef des Chœurs de l'Opéra Royal de Wallonie-Liège nous présente l’importance des sections chorales de cet opus : “Les chœurs sont plusieurs fois à l’honneur dans cet ouvrage. Ainsi le premier chœur 'Bons bourgeois et Notables' (chœur d’hommes) transmet directement une bonne humeur contagieuse avec ses accents rythmiques, sa mélodie enjouée, et des paroles dignes de fêtes estudiantines.
Le finale du premier acte, 'En route amis !' qui débute également par un chœur d’hommes auquel vient se joindre l’ensemble des dames du chœur, est le prototype même du chœur de fin d’acte d’opéra-comique dans lequel toute la troupe se dit adieux et se souhaite bon voyage sans jamais vraiment se résoudre à partir. Finalement ce morceau se transforme en une valse. Il serait d’ailleurs intéressant de mettre en perspective le nombre et la variété des danses dans l’ouvrage avec le règne de Napoléon III pendant lequel la famille impériale ponctue la vie sociale française de Fêtes Impériales dans lesquelles la bourgeoisie se réunissait en grand nombre pour danser.
L’acte II se termine par un morceau prémonitoire. Les interventions du chœur interrompent la ligne musicale des rôles principaux en chantant « le feu ». En effet, Lothario, le chanteur itinérant, a incendié le théâtre du château. Malheureusement cette scène dramatique du point de vue de l’action se produisit véritablement : le 25 mai 1887 lors d’une représentation de Mignon, la salle Favart brûla. L’incendie coûta la vie à 84 personnes.
Le dernier chœur marquant de cet ouvrage est celui du dernier acte pendant lequel les artistes du chœur, en coulisse, chantent une berceuse/barcarolle a cappella d’une grande légèreté et d’une douceur qui n’est pas s’en présager la Barcarolle des Contes d’Hoffmann d’Offenbach.
Le défi principal de la musique pour chœur de cette partition est de garder une pétillance, une légèreté vocale des ensembles sans jamais surligner les effets musicaux en tombant dans le grotesque. A l’instar de la nouvelle urbanisation de Paris commandée au Baron Haussmann par Napoléon III, et qui va mettre fin aux petites rues insalubres de la capitale en y projetant et traçant de grandes avenues droites et des bâtiments solides et cossus, la musique d’Ambroise Thomas est claire, directe, précise, efficace et ne cesse de jeter ses feux pour nous séduire par la fraîcheur de ses mélodies et l’intensité de ses ensembles.”
Rendez-vous à Liège pour assister à cette nouvelle production, du 1er au 9 avril 2022.
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1. La partition d’origine
2. Mignon
3. Philine
4. Wilhelm Meister
5. Lothario
6. Frédéric
7. Jarno
8. Laërte
9. L’Orchestre
10. Le Chœur