The Fairy Queen à Tourcoing : La Bonne
“La Bonne fait partie de ces rôles de convention au théâtre, explique Jean-Philippe Desrousseaux. C’était un homme qui jouait un rôle féminin, mais il fallait une voix de soprano pour le chant, et je vais en jouer dans la mise en scène : différents hommes feront des essais en voix de fausset, mais Margareth Thatcher trouvera cela ignoble alors à la dernière minute, au moment où l’homme va chanter le duo, Miss Maggie le poussera et mettra la Bonne (femme) à la place pour avoir la cohérence vocale. Les contraintes font ainsi que parfois on trouve des astuces qui développent la cohérence et font rire. La Bonne est chantée par une soprano 1 (aiguë). De fait elle chante toutes les parties de soprano 1 de la partition, mais j’ai donc également fait en sorte (pour elle comme pour les autres interprètes) qu’elle ait un personnage dans cette histoire : soit elle chante pour elle, soit elle commente l’action pour le public.
Pour la Bonne, je voulais un personnage qui s’oppose à la noblesse caricaturale (notamment dans cette société britannique très marquée par les classes sociales). Première de corvée, asservie en permanence, à la fin elle rend littéralement son tablier, dénoue sa coiffure, s'affranchit et part. Elle déploie dans de très beaux airs, sa croyance en l’amour, toute son humanité, le roman qu’est sa vie. C’est ce qu’on perçoit même chez cette servante qui apporte des chariots pour prendre le thé avec de grandes jelly gigotantes.”
La soprano Rachel Redmond incarnera cette Bonne (the maid, so british), l’un des personnages réimaginés par cette nouvelle version, qui permet de renforcer les liens entre théâtre et musique (et danse). Ce mariage des disciplines, des époques, des univers, fait toute la richesse de cette production tourquennoise, comme nous le confirme Rachel Redmond, qui en a vu d’autres : “Dans les versions de The Fairy Queen auxquelles j’ai participé, les chanteurs étaient simplement là pour les scènes musicales et les scènes de dialogues étaient confiées à des acteurs. Les chanteurs semblaient ainsi être des personnages différents, et changeant même d’un air à l’autre. À l'inverse, dans cette version pour Tourcoing, les chanteurs ont des noms, des dialogues : ils sont des personnages. J’étais ravi de voir cela.
J’adore chanter et écouter Purcell. D’ailleurs, mon mari et moi avons fait jouer un passage de The Fairy Queen (le Hornpipe) pour notre mariage. J'aime la façon dont la musique de Purcell peut traverser en un instant un caractère joyeux, déchirant, jazzy, intimiste ou exaltant, et je ne me lasse pas de l'entendre. J'ai hâte de chanter à nouveau l’Air de la Nuit : 'See, even Night herself is here'. Il est tellement intime, presque comme un secret.”
Rachel Redmond interprète cet air avec Le Caravansérail de Bertrand Cuiller :
Le chef Alexis Kossenko nous cite également d’emblée cet air, “extrêmement emblématiques du génie de Purcell. Au point qu'on peut se demander combien il trahit une influence française, celle des sommeils dans les opéras de Lully (influence qui est un point de départ à la refonte des effectifs instrumentaux dans notre version). Cet air sans la basse, donc complètement suspendu avec les violons qui accompagnent en sourdine est la quintessence de l'enchantement. Rachel a une voix à la fois riche et avec une délicatesse extraordinaire, j’ai très envie de l’entendre dans cet air ‘See, even Night herself is here’, pour sa traduction vocale du sommeil avec ses lignes étirées, suspendues, cette manière d’hypnotiser le public.”
Nos 10 épisodes vous présentent les personnages de The Fairy Queen par leurs interprètes et rendez-vous au Théâtre Municipal Raymond Devos de Tourcoing pour assister à cette nouvelle production les 24, 25 et 27 février 2022.
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1. Shakespeare, Elizabeth II, Lady Di et les autres
2. La partition
3. Les Jardiniers
4. Obéron, professeur d’Oxford
5. Titania, étudiante à Oxford
6. Elizabeth II, reine d’Angleterre
7. Lady Di
8. Margaret Thatcher
9. Boris Johnson
10. La Bonne