The Fairy Queen à Tourcoing : Shakespeare, Elizabeth II, Lady Di et les autres
Le metteur en scène Jean-Philippe Desrousseaux nous présente le projet dans ce premier épisode (et tous les rôles qu’il joue dans cette adaptation) : “The Fairy Queen de Purcell est un semi-opéra, ce qui consiste à adapter une pièce de théâtre (en l’occurrence Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare) et à l’‘entrelarder’ de divertissements musicaux. Cette adaptation, The Fairy Queen avec son livret (anonyme, écrit presque un siècle après la pièce de Shakespeare) n’a pas d’arche narrative, ne raconte pas d’histoire. Certains metteurs en scène très habiles y parviennent toutefois, notamment en montant l’intégralité de la pièce de Shakespeare et des épisodes musicaux, ce qui demande des moyens colossaux et impose un spectacle passant du théâtre à la musique au long d’une soirée immense en cinq actes (or, avec le Covid, nous devions concevoir un spectacle qui pourrait même se passer d’entracte). J’ai fait un grand travail d’adaptation pour réduire le texte qui avait été réduit. Le texte chanté est conservé (en anglais), le texte parlé est adapté et en français. Je n’ai pas conservé le fait que les Dieux parlent en vers et les humains en prose.
L’adaptation du livret d'origine concentre l’intrigue Shakespearienne, opère de nombreux changements et coupes avec liberté. J’ai suivi exactement la même démarche : avec un comédien qui présente l’histoire et joue le rôle capital du chœur antique (ce que Shakespeare utilisait lui-même, pour renforcer le lien avec le public comme dans le théâtre classique Grec). J’ajoute un prologue qui permet de poser toutes les conventions du spectacle et d’expliquer le projet (et ce prologue est celui de la pièce Henry V).
Ce protagoniste (Obéron, que nous vous présentons dans le troisième épisode), résume ou commente l’action. C’est également lui qui dit la conclusion (normalement dite par Puck) : ‘Si nous, ombres, vous avons offensés, songez seulement que vous avez rêvé durant tout ce temps, que rien de mal ne s’est passé, et si vous êtes contents, applaudissez.’
La musique n’était qu'un divertissement (suivant le modèle de la comédie-ballet à Versailles où le divertissement n’a rien à voir avec l’histoire, ou si peu). Les parties musicales seules n’auraient donc pas de sens car ce n’est pas un opéra en tant que tel (très peu d’airs chantés correspondent à des personnages de Shakespeare), mais la mise en scène peut ainsi s’appuyer sur les qualités d’acteurs de tous les membres du plateau, y compris le chœur.
À la fin du quatrième acte, les conflits shakespeariens sont résolus et le cinquième n’est que divertissements dans la pièce, alors j’ai décidé d’utiliser ce dernier acte pour résoudre les conflits entre les interprètes (entre Boris Johnson, la Reine d’Angleterre, Margaret Thatcher, Lady Di”, autant de personnages que nous vous présentons dans nos prochains épisodes.
Les contrastes jusqu’à l’extrême, Jean-Philippe Desrousseaux les met ainsi en scène et montera lui-même sur scène avec son art des marionnettes (qu’il nous avait présenté pour le Pierrot lunaire en 2017) : “En Angleterre sur presque toutes les plages, dans ces petits castelets de la culture anglaise, il existe un couple de marionnettes nommé Punch et Judy (on en trouve des traces dans le quartier de Covent Garden dès la fin du XVIIe siècle. Punch est un dérivé de Pulcinella qui a donné Polichinelle en français, Petrouchka en russe. Punch a un caractère très méchant, il est toujours flanqué de sa femme Judy et il la bat. L’histoire est toujours la même : Punch et Judy ont un enfant, l’enfant pleure, Punch le jette par la fenêtre, Punch bat le policier qui vient, il bat le juge qui vient, puis arrive le bourreau avec une potence et Punch fait toujours en sorte que le bourreau soit pris dans sa potence. Arrive la mort et il tue la mort. C’est une philosophie de l’accès immédiat et de la résolution immédiate des désirs. Cette tradition qui se poursuit en Angleterre est conservée, même si c’est complètement en opposition avec la période actuelle : c’est ce que je montre de la société. Tout le monde va donc assister à la représentation de Punch et Judy qui est un spectacle de Guignol.
Je prends les habits du fameux Jack Ketch (le nom désormais traditionnel du bourreau en Angleterre, inspiré du bourreau sous Charles II) pour manipuler les marionnettes Punch & Judy pendant qu’un soliste chante un morceau délicieux : ‘Here's the Summer, Sprightly, Gay, Smiling, Wanton, Fresh and Fair’ (wanton pouvant se traduire par dévergondé). Sur ces paroles estivales, tous les interprètes, dans la candeur joyeuse et fébrile d’un groupe d’enfants qui assistent à une représentation de Guignol, applaudiront aux tourments d’un couple aux têtes de bois.”
Notre série de 10 épisodes se poursuit pour vous présenter les personnages de The Fairy Queen par leurs interprètes et rendez-vous au Théâtre Municipal Raymond Devos de Tourcoing pour assister à cette nouvelle production les 24, 25 et 27 février 2022.
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1. Shakespeare, Elizabeth II, Lady Di et les autres
2. La partition
3. Les Jardiniers
4. Obéron, professeur d’Oxford
5. Titania, étudiante à Oxford
6. Elizabeth II, reine d’Angleterre
7. Lady Di
8. Margaret Thatcher
9. Boris Johnson
10. La Bonne