Robert le Diable : qui est Raimbaut ?
Raimbaut, le troubadour/ménestrel normand que Robert le Diable voulait pendre (en raison de sa langue bien pendue) est gracié dès que Robert constate que sa propre sœur de lait Alice (présentée dans notre précédent Air de cette série) est la fiancée de Raimbaut. Celui-ci est alors en charge du ‘comic relief’, une respiration comique dans ce drame.
Le ténor maltais Nico Darmanin nous présente ce personnage qu'il incarne à Bordeaux : "Raimbaut incarne une bonne personne aux côtés de Robert. Je décrirais son caractère comme naïf et crédule. Deux occurrences démontrent sa nature simple et avenante. D'abord, il ne se rend pas compte que Robert est présent lorsqu'il chante sa ballade aux chevaliers (et il s’attire donc des ennuis en le faisant). Cet air est amusant et ludique. J'adore le rythme syncopé du troisième couplet de l'aria."
Le ménestrel chante en effet et bien entendu pour plus fameux air une Ballade : « Jadis régnait en Normandie » (I, 2) ici interprétée par Émile Marcelin (1879-1947) pour le légendaire label Malibran :
Premier Couplet
Jadis régnait en Normandie Un prince noble et valeureux, Sa fille Berthe, la jolie, Dédaignait tous les amoureux,
Quand vint à la cour de son père Un guerrier Un prince inconnu ; Et Berthe jusqu'alors si fière, D'amour senti son cœur ému.
Funeste erreur ! fatal délire! Car ce guerrier était, dit-on, Un habitant du sombre empire ; Foi de Normand, c'est un démon !
CHEUR Ah ! le conte est fort bon; Comment ne pas en rire ! Quoi , c'était un démon !
RAIMBAUT Oui, c'était un démon !
Second Couplet
C'était le favori fidèle De Satan, le roi des enfers, Il tient, sous sa garde éternelle, Tous les trésors de l'univers.
Aussi bientôt par sa richesse, Berthe et son père sont séduits ; Et dans l'église de St. Adresse, En grande pompe ils sont unis.
Funeste erreur ! fatal délire ! Car cet époux était, dit-on, Un habitant du sombre empire ; C'était... c'était un démon !
CHOEUR Ah ! le conte est fort bon,
Troisième Couplet
De cet hymen épouvantable Vint un fils l'effroi du canton ! Robert, Robert, le fils du diable; Dont il porte déjà le nom. Semant le deuil dans les familles, En champs clos il bat les maris, Enlève les femmes, les filles, Et s'il parait dans le pays...
Fuyez, fuyez, jeune bergère, Car c'est Robert ; il a, dit-on, Les traits et le cœur de son père, Et comme lui c'est un démon.
"Plus tard, poursuit Nico Darmanin, Bertram essaie de corrompre Raimbaut pour rompre les fiançailles de celui-ci avec Alice (en lui disant que l’argent offert attirera beaucoup de femmes). Il se laisse bientôt convaincre. Le duo avec Bertram est très satisfaisant musicalement. Les harmonies sont amusantes et ludiques. Meyerbeer a composé une scène intrigante sur le plan musical. Il est également intéressant de chanter et de jouer ce personnage dans ce climat socio-économique : Raimbaut semble être la représentation des gens du commun qui sont facilement contrôlés et persuadés de se conformer aux plans des plus grandes puissances. C'est agréable de voir que le bien triomphe du mal à la fin. Étudier cette partie a été très amusant. C'est très ludique et plein de vie. J'attends avec impatience ces débuts.”
Julien Dran et Nicolas Courjal (qui incarnera à nouveau Bertram à Bordeaux) interprètent ce duo de l'acte III, scène 1, à La Monnaie de Bruxelles sous la direction d'Evelino Pido (notre compte-rendu) :
RAIMBAUT
Du rendez-vous voici l’heureux instant.
BERTRAM
N’est-ce pas là ce troubadour normand…
RAIMBAUT
Que le seigneur Robert ce matin voulait pendre?
BERTRAM
Oui, jamais il ne fait les choses qu’à demi. Qui t’amène ?
RAIMBAUT
Je viens attendre Alice, mes amours, que j’épouse aujourd’hui ; Alice qui n’a rien… et moi pas davantage ; Sans cela nous serions bien heureux en ménage.
BERTRAM
S’il est ainsi… tiens… prends !
RAIMBAUT
En croirais-je mes yeux ! C’est de l’or !
BERTRAM
Voilà donc ce qu’on nomme un heureux ! J’en fais donc aussi quand je veux !
[Duo] RAIMBAUT & BERTRAM
Ah, l’honnête homme ! / Ah, l’honnête homme !
Le galant homme! / Ah, le pauvre homme!
Vais voyez comme / Voyez comme
Je me trompais. / Je le prendrais.
Ah ! désormais / En mes filets
Je lui promets / Si je voulais
Obéissance, Reconnaissance, En récompense De ses bienfaits.
BERTRAM
C’est aujourd’hui qu’on te marie ?
RAIMBAUT
Oui, monseigneur.
BERTRAM
Quelle folie !
RAIMBAUT
Une folie ? Ma fiancée est si jolie !
BERTRAM
À te place moi j’attendrais, Et sans façon je choisirais.
RAIMBAUT
Vous choisiriez ?
BERTRAM
Je choisirais. Te voilà riche, et, je le gage, Toutes les filles du village Voudront se disputer ta foi.
RAIMBAUT
Vous le croyez !
BERTRAM
Oui, je le crois.
RAIMBAUT
Au fait! un si grand personnage Doit s’y connaître mieux que moi.
[Duo, BIS]
Ah, l’honnête homme! etc.
BERTRAM
Le bonheur est dans l’inconstance.
RAIMBAUT
Le bonheur est dans l’inconstance ?
BERTRAM
Elle seule embellit nos jours.
RAIMBAUT
Elle seule embellit nos jours ?
BERTRAM
Que gaité, plaisirs et bombance Soient désormais tes seuls amours.
RAIMBAUT
Je pourrai donc tout me permettre ?
BERTRAM
Oui, chaque faute est un plaisir, Et l’on a pour s’en repentir Le temps où l’on n’en peut commettre.
RAIMBAUT
Ce système me plaît beaucoup. À tous mes compagnons, afin de mieux vous croire, Pour commencer, je vais payer ò boire.
BERTRAM
Boire!… c’est bien ! Cela peut te conduire à tout.
[Duo, TER]
Ah, l’honnête homme ! etc.
Pour naviguer parmi les Airs du jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1- L'ouverture et l'orchestration
2- Robert le Diable
3- Princesse Isabelle
4- Bertram
5 - Alice
6- Raimbaut
7- Le Héraut d'Armes
8- Maître des Cérémonies
9- Chevalier et prêtre
10- Choeur