Entre l'université et l'église, les diplômes, les services et les concours de chant, Jessye Norman se forme aussi à Chicago auprès de Pierre Bernac, l'inséparable de Francis Poulenc et qui explique combien la soprano américaine est devenue une référence dans le genre de la mélodie française. Elle laissera des versions définitives de ces œuvres piano-voix, comme de la tragédie-lyrique, monologue en un acte La Voix humaine de Poulenc.

Acte unique

Elle est allongée sur le sol, comme morte. Elle se relève et s’apprête à quitter sa petite chambre de célibataire quand le téléphone sonne. Elle bondit alors et attrape le combiné, mais des interférences l’empêchent de parler au bon correspondant. Quand enfin les interférences cessent, Elle explique à son amant qu’Elle a failli manquer son appel, rentrant tout juste d’une soirée chez son amie Marthe. Elle lui décrit sa soirée de la veille ainsi que sa journée et la robe rose qu’Elle porte. Elle se dit très courageuse et loue la gentillesse de son amant.

Elle s’accuse de tout ce qui s’est passé, et se souvient de leur rencontre, un dimanche à Versailles. Elle joue à imaginer comment Il est habillé, ce qu’Il fait. Mais Elle refuse qu’Il en fasse autant, ayant honte d’Elle-même. Elle dit aimer sa maladresse. D’ailleurs, s’Il avait été adroit, le téléphone aurait pu devenir une arme fatale ne laissant aucune trace…

De nouveau interrompue, la conversation reprend. Elle lui avoue alors qu’Elle lui a menti : Elle ne porte pas sa robe rose et n’a pas été chez Marthe. Elle attendait son appel depuis des heures, devenant folle. Consciente de n’avoir plus aucune chance, Elle a pris 12 comprimés la veille, espérant un sommeil sans rêve et sans réveil. Mais Elle s’est réveillée, et a même fait un rêve, dans lequel Il la quittait. C’est alors qu’Elle a appelé Marthe qui a fait venir un médecin. Marthe l’a veillée toute la journée, mais Elle lui a ensuite demandé de partir, sachant qu’Il devait appeler.

Elle lui avoue alors sa détresse et comment sa présence à ses côtés est devenue vitale pour Elle, depuis cinq ans qu’Elle s’endort la tête sur son épaule et que sa vie ne tourne qu’autour de lui. Leur chien lui-même a cessé de s’alimenter, se montrant menaçant lorsqu’Elle l’approche, pensant sans doute qu’Elle est responsable du départ de son maître.

Tout d’un coup, Elle pousse un cri, réalisant que leur conversation n’occulte pas la réalité : Il l’a quittée ! Elle reproche au téléphone la distanciation qu'il opère et qui l’empêche de le convaincre de revenir, d’un regard. La technologie fige la situation et la laisse au désespoir. Elle lui promet toutefois de ne pas tenter à nouveau de mettre fin à ses jours, et de ne plus lui mentir. Elle affirme qu’Elle ne se fâcherait pas si Elle savait qu’Il mentait pour la protéger en lui disant être chez lui. Cette insinuation le fâche.

Soudain le téléphone coupe de nouveau. Elle est alors prise de panique, priant pour qu’Il rappelle. Lorsque le téléphone sonne de nouveau, Elle comprend qu’Il cherche à mettre fin à la conversation. Apprenant qu'Il sera bientôt à Marseille, Elle lui demande de ne pas descendre à leur hôtel habituel, de manière à freiner son imagination. Lui disant adieu, Elle l’invite à raccrocher, n’en ayant pas le courage Elle-même. Alors qu’Elle lui déclare une dernière fois son amour, Il raccroche. Le combiné tombe au sol.

Rendez-vous demain et tous les jours prochains pour la suite de notre série en hommage à Jessye Norman (1945-2019)