Sept Péchés Capitaux, épisode VII : Orgueil (Nabucco)
Dans la complexe intrigue de l'opéra Nabucco de Verdi, le personnage d'Abigaïlle prend une place importante dans la dramaturgie de l'oeuvre. Esclave et fille illégitime de Nabucco, elle est jalouse de sa demi-sœur Fenena héritière du trône. Éconduite par Ismaël qui lui préfère Fenena et humiliée constamment par son père qui lui rappelle sa position de bâtarde, Abigaïlle cherche par tous les moyens tout au long de l'opéra à s'emparer du pouvoir et à mener sa sœur et son père à leur propre perte. En contraste total avec tous les autres personnages de l'opéra, le caractère perpétuellement furieux et emporté d'Abigaïlle se manifeste à travers une ligne vocale très virtuose où l'expressivité est contenue (à part lorsqu'elle se repent avant sa mort).
Voici Maria Guleghina interprétant "l'air de lettre" au début de la deuxième partie, où Abigaïlle découvre ses origines d'esclave qui l'empêchent d'hériter de l'Empire de Babylone, ce qui blesse son orgueil mortellement. L'extrait vidéo ci-dessous comporte la partition (partie mélodique d'Abigaïlle) qui permet un meilleur suivi de l'interprétation de la soprano.
Traduction française : Luigi Bordèse et Al. du Camp
Ben io t'invenni, o fatal scritto!... in seno mal ti celava il rege, onde a me fosse di scorno!... Prole Abigail di schiavi! Ebben!... sia tale! Di Nabucco figlia, qual l'Assiro mi crede, che sono io qui?... peggior che schiava! Il trono affida il rege alla minor Fenena, mentr'ei fra l'armi a sterminar Giudea l'animo intende!... Me gli amori altrui invia dal campo a qui mirar!... Oh iniqui tutti, e più folli ancor!... d'Abigaille mal conoscete il core... Su tutti il mio furore piombar vedrete!... Ah sì! cada Fenena... il finto padre!... il regno!... Su me stessa rovina, o fatal sdegno! Anch'io dischiuso un giorno ebbi alla gioia il core; tutto parlarmi intorno udia di santo amore; piangeva all'altrui pianto, soffria degli altri al duol; ah! chi del perduto incanto mi torna un giorno sol? | Lettre fatale pour ma rivale ! En vain le roi cachait dans son sein Pour m'accabler d'entraves... Les enfants d'Abigail esclave ! Affreux destin L'assyrien me croit de Nabucco la fille Que suis-je hélas ! je n'ai pas de famille Le roi vient de couronner ma rivale Phénena Qui le déchaîne contre les Juifs pour les exterminer En ce lieu on m'en vois pour applaudir à leur bonheur Quelle exécrable joie et quelle folle ardeur ! D'Abigail connaissez peu l'âme Craignez l'horrible la sombre flamme de sa fureur ! Malheur ! à toi Phénena Redoute aussi ma haine Ta perte est prochaine Fuis l'orage qui se déchaîne dans mon cœur ! Naguère plein de tendresse Mon cœur, mon cœur aimait ce séjour, Autour de moi sans cesse Tout parlait d’allégresse De gloire, de richesse De bonheur et d'amour ! ah ! Du cœur aimable as-tu fui pour toujours ! |
Giuseppe Verdi - Nabucco, "Ben io t'invenni"
Abigail : Maria Guleghina
Orchestre du Metropolitan Opera, direction musicale : James Levine
Mise en scène : Elijah Moshinsky
Metropolitan Opera House, 2001