Le Rêve Peint de Werther à Massy
C’est un spectacle d’une beauté poétique qui s’offre au public. Cette nouvelle production de Werther donne une toute autre perspective de l’œuvre. Initialement écrite par l’écrivain allemand Goethe, le style de Massenet sublime le tragique de cette histoire d’amour et de jalousie suicidaire, a fortiori dans cette mise en scène picturale.
Werther par Paul-Émile Fourny (© Christian Badeuil)
Le metteur en scène Paul-Émile Fourny invite les spectateurs à visiter une exposition d’art, et à y entrer dans la tête du malheureux Werther. Il contemple la galerie puis s’immerge au sein des tableaux. Les peintures s’animent et dialoguent avec le jeune poète. Werther y rencontre celle qu’il aimera jusqu’à son suicide. Tout l’opéra se concentre, se focalise sur ce personnage, sa perception du monde et la jalousie qui le ronge à petit feu. Il finit prisonnier de son propre rêve. L’atmosphère semi-onirique, nimbée dans la poésie, tient en grande partie aux décors de Benoît Dugardyn, offrant un bel écrin pour le travail de la costumière Stella-Maris Müller, l'ensemble se déployant dans le style et les couleurs de l’époque. La tragédie arrive d'autant plus distinctement, par la couleur noire qui envahit la scène. Les lumières de Patrick Méeüs et de son assistant Brice Bouviala restent remarquablement réalistes, accompagnant huit figurants, huit visiteurs qui passent d’un monde à un autre.
Sébastien Guèze et Mireille Lebel dans Werther par Paul-Émile Fourny (© Cecile Manoha)
L’orchestre de Massy est dirigé par le chef américain David T. Heusel avec implication et application. Le son appuyé des instruments accentue encore toute la misère du monde que porte sur son dos le détenteur du rôle-titre, Sébastien Guèze. La voix assurée et puissante de ce ténor est émaillée de quelques petits déraillements, mais il suscite l'empathie dans de nombreux passages, particulièrement dans son célèbre air "Pourquoi me réveiller ?"
Sébastien Guèze et Mireille Lebel dans Werther par Paul-Émile Fourny (© Chantal Droller)
Dans le rôle de Charlotte, la mezzo-soprano canadienne Mireille Lebel semble d'abord impassible, mais elle se révèle d'autant plus tragique et sombre, poignante même dans ce malheur qui la touche jusqu’à la tuer intérieurement. Sa voix est magnifiquement timbrée et enrichie de couleurs. Le baryton Alexandre Duhamel chante son mari Albert, neutre mais sévère, comme il se doit pour rendre compte des rapports sociaux intra-familiaux de l’époque. La voix est imposante et sombre, remarquée dans la scène surprenante où il s’entretient avec Werther replacé dans les tableaux à caractère surréaliste du peintre Magritte. La soprano Léonie Renaud interprète une Sophie (la sœur de Charlotte) enjouée et frivole. La voix est légère et contrôlée, notamment dans ses notes finales délicates en pianissimo.
Mireille Lebel dans Werther par Paul-Émile Fourny (© Christian Badeuil)
Le baryton-basse Christian Tréguier campe le rôle du Bailli, charmant par sa voix douce et envoûtant dans son interprétation de père bienveillant et gâteux. Dans les petits rôles, le ténor Éric Mathurin (Schmidt) et le baryton-basse Julien Belle (Johann) interprètent les amis de la famille. Les voix sont claires et bien présentes. Pour finir, l’interprétation de la Maîtrise des Hauts-de-Seine dirigée par Gaël Darchen dans les rôles des frères et sœurs de Charlotte est scéniquement et vocalement professionnelle.
Werther par Paul-Émile Fourny (© Chantal Droller)
Cette production est la preuve qu’une œuvre peut être regardée et réinterprétée sous de multiples perspectives, prolongeant ainsi le mariage des arts qui est à l'origine même du genre "Opéra".
Retrouvez ici notre #VidéÔlyrix intégrale de cette production.