Benjamin Pionnier dirige un My Fair Lady chaloupé à Reims
Cette production de My Fair Lady de Frederick Loewe par Paul-Emile Fourny, le Directeur artistique de l’Opéra de Metz, est annoncée comme une mise en scène à grand spectacle. Il faut dire qu’elle convoque sept décors, de nombreux et magnifiques costumes so british signés Dominique Burté, des danseurs de claquettes, des chorégraphies, et même de la neige ! Pour l'occasion, c'est la version française (dont les dialogues sont signés Alain Marcel) qui est donnée. L’histoire suit une jeune femme sans le sou, parlant avec un accent à couper au couteau, Eliza Doolittle, qui est l’objet d’un pari entre deux hommes, le Professeur Henry Higgins et le Colonel Pickering, le premier se vantant de pouvoir la changer en une lady parfaite en moins de six mois. Mais il s’attache à sa créature, qu’il considère d’abord comme un simple objet d’observation qu’il méprise. Pourtant, celle-ci reprend sa liberté afin d’organiser sa nouvelle vie : pour la retrouver.
Benjamin Pionnier (© DR)
À la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Reims, Benjamin Pionnier est magistral : il enchaîne les ambiances, parvenant à singulariser l’univers des cockneys (ouvriers habitant à l'Est de Londres), celui des aristocrates, ainsi que celui de la campagne guindée d’Ascot. Les rythmes sont dansants, faisant valser les violons ou résonner le tuba dans une ambiance de kermesse. La batterie swing et le xylophone résonnent pour accompagner les chorégraphies ou les chants des solistes. Cependant, comme souvent dans les comédies musicales jouées dans des lieux qui ne leur sont pas dédiés, la sonorisation des chanteurs connait des problèmes de réglage à différents moments, nuisant aux équilibres des ensembles.
Le plateau vocal est réparti entre comédiens se prêtant à l’exercice du chant et chanteurs jouant la comédie. L’ensemble est donc assez hétérogène et pas toujours juste ni en rythme. Le rôle-titre est interprété par Fabienne Conrad. Peu à l’aise dans les aigus où elle manque d’assise, elle montre en revanche une véritable chaleur dans les graves. De même, sa voix s’affirme lorsque l’accent de son personnage disparaît, comme si elle y investissait toute son énergie au début de la pièce. La scène finale de la première partie, qui constitue la première sortie de son personnage dans le monde, à l'occasion d'une course de chevaux, aura particulièrement plu au public. Entraînée à parler avec un accent précieux, son personnage commet alors différents impairs, laissant son naturel revenir au galop. La soprano prend un plaisir manifeste à nager au milieu de ces deux mondes.
My Fair Lady par Paul-Emile Fourny (© I. Bordes)
Ses deux professeurs, Higgins et Pickering, sont interprétés par Jean-Louis Pichon et Georges Beller. Le premier campe un parfait linguiste, grognon et misogyne. Sa stature lui confère une autorité qui sied au personnage. Son chant est en revanche moins assuré, proche du parlé-chanté. Il est par ailleurs obligé de s’interrompre par deux fois, ne trouvant plus son texte. Le second a peu de parties chantées, il peut donc se concentrer sur le jeu : il assure son rôle avec finesse et métier, sans jamais se départir du sourire narquois avec lequel il observe les travaux de son collègue.
Raphaël Brémard ressort par la qualité vocale proposée : le timbre est charmant, le vibrato maîtrisé et les effets travaillés. On aimerait l’entendre sans sonorisation pour mieux l’apprécier. Mathieu Lécroart campe un Alfred Doolittle (le père d’Eliza) goguenard, qui entraîne avec lui le village dans des danses et des chants, par son énergie communicative et son esprit festif. Sans être parfaite, cette production aura su charmer son public, très enthousiaste à la fin de la représentation.