Haut les couleurs pour Aida à Massy !
Vendredi soir, l'Opéra de Massy débutait sa saison lyrique par cette bouleversante version, riche en couleurs esthétiques et vocales d'Aida de Verdi. La modernité et le traditionnel se sont mélangés dans cette production mise en scène par Charles Roubaud et dirigée par Paolo Olmi. L'inoxydable chef d’œuvre de Verdi est toujours vaillant sur les planches. Ce mythe, similaire à la tragédie de Norma de Bellini, notamment pour son trio amoureux mélangeant passion dévorante et rivalité, a été soumis à nombre de lectures variées. A Massy, Charles Roubaud évoque une Égypte sombre, oppressante et épurée, voulue intime et mystérieuse. Réaliste aussi : des figurants noirs africains incarnent les esclaves éthiopiens, prisonniers des égyptiens. Seule une impressionnante chorégraphie orchestrée par Julien Lestel et Gilles Porte illumine cette ténébreuse aventure.
Aïda par Charles Roubaud (© François Pinson)
Les décors épurés d'Emmanuelle Favre favorisent une interaction plus électrique entre les personnages. De splendides projections vidéos de monuments égyptiens s'élèvent en fond de scène et créent un effet de troisième dimension qui donne le vertige. Plus tard, ces majestueuses façades s'effacent et laissent apparaître une entrée centrale qui structure l'espace. Les éclairages intimes proposés par Phillipe Grosperrin plongent la scène dans une atmosphère encore plus proche des personnages et le choix des couleurs contrastées sur les superbes costumes de Katia Duflot ont su relever l'opposition des différents protagonistes. Par ailleurs, le climat général est empli de couleurs flamboyantes et sinistres à la fois, qui font pétiller les yeux des spectateurs et qui annoncent le sort de chaque protagoniste. Aida, vêtue de noir, semble ainsi prendre le rôle de la coupable. Amnéris, au contraire, représente la noblesse et l'exemple royal par le blanc mais elle périra de douleur.
Pour la partie orchestrale, malgré la renommée de l'Orchestre National d’Île-de-France dirigé par Paolo Olmi, le niveau sonore manque de puissance et de présence instrumentale, générant de la frustration au sein du public : le célèbre morceau des trompettes d'Aida aurait ainsi pu être plus triomphant. Cette réserve semble être la conséquence d'une volonté de ne pas saturer la lecture de cet opéra par un seul air. Comme si relire une œuvre célèbre dans son ensemble nécessitait de savoir parfois effacer un air pour valoriser le reste de l’œuvre.
Cécile Perrin (Aïda) (© François Pinson)
La distribution vocale est de qualité. Les chanteurs jouent et s’investissent dans leurs personnages avec une très belle rigueur. Dans le rôle d'Aida, Cécile Perrin déploie sa parfaite technique vocale, en particulier des legato ou des pianissimo parfaitement exécutés. La voix est bouleversante et d'une puissance vocale hors-norme. Aude Extrémo, interprétant la jalouse Amnéris, se révèle parfaite dans ce rôle avec une voix sombre et cuivrée. Pendant le jugement de Radamès, son jeu de scène respire la tragédie dans un passage particulièrement prenant. Dans le rôle de Radamès, Carl Tanner apporte sa fraîcheur et une grande projection, mais l’on regrette un certain manque d’expressivité dans son jeu.
Cécile Perrin (Aïda) et Carl Tanner (Radamès) (© François Pinson)
Tous trois impressionnants avec leurs voix profondes, Jerôme Varnier est un Roi d'Egypte solennel, Wojtek Smilek chante un Ramfis tout de blanc vêtu, disposant d’un timbre chatoyant qui se bonifie dans les graves, tandis que l’Amonasro de Tito You est un père d'abord bienveillant lors de ses retrouvailles avec Aida, avant de devenir violent et menaçant pour la forcer à aider son peuple. Ludivine Gombert (La Grande Prêtresse) et Rémy Mathieu (Un Messager) dévoilent de belles voix prometteuses. Mention spéciale pour le Chœur de l'Opéra Grand Avignon ainsi que le Chœur supplémentaire de l'Opéra de Massy qui, ensemble, ont su jouer un peuple éthiopien affolant et incroyablement dynamique. Cette Aida aura été parfaitement défendue par cette production de l’Opéra de Massy. La saison peut commencer !
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