Rhorer dirige un Requiem de Verdi magistral au TCE
La Messe de Requiem de Verdi a été créée en 1874 à l’occasion du premier anniversaire de la mort du poète italien Alessandro Manzoni à qui Verdi vouait une grande admiration. Parmi les opéras les plus célèbres du compositeur, seuls deux manquaient alors : Otello (créé en 1887) et Falstaff (créé en 1893).
Ce jeudi 20 octobre, le chef Jérémie Rhorer, grand spécialiste du répertoire mozartien et plus généralement de la fin du XVIIIème siècle, poursuit son exploration verdienne après un Stiffelio donné à Francfort en janvier dernier. A la tête de l’Orchestre national de France et du Chœur de radio France, tous deux resplendissants, il offre une interprétation particulièrement puissante et fougueuse de l’ouvrage, maniant avec subtilité les nuances pupitre par pupitre, les tempi et les contrastes : les changements brutaux d’ambiances font l’objet d’un travail manifeste. A ce titre, le très fameux Dies irae est flamboyant, porté par des percussions (timbales et grosse caisse) tranchantes et vives. Le geste de Rhorer est ample (Jean-François Borras, situé à sa droite, a d’ailleurs évité de peu quelques coups de baguette !) et précis : les attaques et les conclusions des phrases musicales sont exécutées avec une parfaite simultanéité par l’ensemble des artistes du chœur et de l’orchestre.
Jérémie Rhorer (© Yannick Coupannec)
Les quatre solistes invités pour cette soirée, Vannina Santoni, Alisa Kolosova, Jean-François Borras et Ildebrando D’Arcangelo, offrent une prestation homogène. Costumes et mines sombres, ils interprètent ce requiem opératique de manière théâtrale. Paradoxalement, et au contraire de l’orchestre et du chœur, leur performance repose plus sur la subtilité et l’expressivité de l’interprétation que sur la puissance. Leurs interventions a capella (en quatuor durant l’offertoire puis en duo sur l’agnus dei et enfin en trio pour le Lux aeterna) sont ainsi toujours très maîtrisés et magnifiquement interprétés.
De même, la soprano Vannina Santoni (qui avait abordé ce Requiem lors de son interview à Ôlyrix, à lire ici) se laisse parfois déborder par les forces musicales placées derrière elle, mais elle offre des aigus émis avec délicatesse, portés par un vibrato parfaitement régulier, et tenus longuement avec une impeccable maîtrise de son souffle. Sa déclamation sur le Libera me s’approche des intentions d’une soprano dramatique : elle projette un « tremens factus » glaçant ! Alisa Kolosova détient le timbre d’une mezzo-soprano verdienne et parvient à détacher la plupart du temps son regard de sa partition. Ses graves sont aussi dramatiques qu’ils doivent l’être. Sa voix s’accorde parfaitement à celle de Vannina Santoni sur le Ricordare pour un duo magnifique.
Vannina Santoni (© DR)
Le ténor Jean-François Borras, qui a le vent en poupe, offre une prestation nuancée mais valeureuse. Parfois en décalage d’un quart de temps avec ses partenaires, il offre en revanche un magnifique solo sur le très célèbre (et très opératique) Ingemisco, popularisé par Pavarotti. Le baryton-basse Ildebrando D’Arcangelo est moins « basse » que dans la plupart des versions, mais ce timbre barytonant prodigue une élégance dans sa ligne mélodique que l’on apprécie chez ce connaisseur du répertoire verdien, qui apporte la subtilité du spécialiste mozartien. Durant son Mors stupebit, on croit entendre les accents d’un Iago récitant son anti-credo dans Otello.
Cette soirée, qui était attendue, aura rempli ses promesses : le public (exagérément toussotant !) a ainsi réservé un accueil enthousiaste aux artistes au moment des saluts.