Découvrez les futures stars de l’Académie de l’Opéra de Paris
Alors que les premiers académiciens de l’Opéra de Paris, issus de la promotion 2015, commencent à voler de leurs propres ailes (Juan de Dios Mateos Segura chante actuellement Belfiore dans Le Voyage à Reims au Liceu, Pauline Texier sera Elvira dans L’Italienne à Alger à Montpellier, Mikhail Timoshenko campera Moser dans Les Brigands à Monte-Carlo, etc.), la maison parisienne présentait ce jeudi ses promotions 2016 et 2017 au cours d’un récital donné dans son Amphithéâtre de Bastille. L’occasion de découvrir de jeunes chanteurs (et musiciens) déjà pétris de talent.
Marie Perbost (© DR)
La soirée s’ouvre sur trois extraits de Fidelio. D’abord, le duo d’introduction, interprété par Marie Perbost et Maciej Kwasnikowski, tous deux issus de la promotion de septembre 2017. La soprano y est une Marzelline aux très beaux aigus, ronds et veloutés. Son chant est nuancé et son phrasé dévoile sa musicalité. Dans le quatuor « Mir ist so wunderbar » interprété ensuite, elle vocalise avec grâce. Sa voix généreuse ressort de l’ensemble qu’elle initie avec un léger décalage rythmique vite rattrapé par le pianiste Benjamin d’Anfray. Très impliquée, elle crée du jeu scénique auquel son partenaire, dans le rôle de l’amoureux écarté Jaquino répond avec autant d’expressivité. Le ténor dispose d’une voix ancrée et délicatement couverte.
Maciej Kwasnikowski (© DR)
Le second extrait est interprété par le baryton-basse Mateusz Hoedt, issu de la promotion 2016. Incarnant le personnage de Rocco, il semble mal à l’aise dans les premières mesures, affichant des problèmes de justesse et une voix serrée dans les graves. Une fois installé dans sa performance, il dévoile toutefois de beaux aigus, joliment éclairés et des graves bien mieux projetés, à la fois larges et clairs. Dans le quatuor, la soprano Angélique Boudeville (promotion 2017) affiche un vibrato encore fragile mais surtout des graves profonds et enivrants.
Cette dernière est ensuite rejointe en scène par l’Américaine Jeanne Ireland (mezzo-soprano) et l’Irlandaise Sarah Shine (soprano), pour le trio final du Chevalier à la Rose, magnifiquement interprété. Si Angélique Boudeville, manifestement plus à l’aise, y dévoile de brillants et volumineux aigus et une belle maîtrise du souffle, Sarah Shine, les bras croisés et un sourire radieux aux lèvres, fait preuve d’une fraicheur vocale très adaptée au rôle de Sophie. Son intense vibrato participe également d’une prestation réussie. Jeanne Ireland dévoile en Octavian un timbre medium moelleux et un vibrato plein de maturité, dans un généreux volume sonore.
Farrah El Dibany (© Elena Bauer)
Le difficile air de Micaëla dans Carmen est alors chanté par la soprano française Marianne Groux (promotion 2017), à la voix riche et colorée. Cette dernière dispose d’une parfaite diction et d’aigus lumineux et délicats, mais peine à stabiliser sa ligne de chant. Très impliquée théâtralement, elle démontre sa capacité à projeter puissamment sa voix : son interprétation souffre en contrepartie d’un manque de nuance. Puis, Farrah El Dibany et Jean-François Marras (tous deux issus de la promotion 2016) interprètent respectivement Carmen et Don José. La première dispose de graves saisissants et émouvants, dont elle ne tire pourtant pas totalement parti, la faute à un manque de conviction théâtrale et à une diction imprécise. Le second dispose d’un timbre cuivré, légèrement forcé dans l’aigu, avec de beaux graves vibrants et une prononciation articulée du texte (ses « i » sont parfaitement compréhensibles et bien projetés).
Sofija Petrovic (© Elena Bauer)
Après un intermède instrumental (Sérénades pour cordes en ut majeur), Sofija Petrovic (promotion 2016) et Danylo Matviienko (promotion 2017) interprètent le duo final d’Eugène Onéguine. Le chant de la première est expressif et sonore. Son vibrato est rapide et maîtrisé et son timbre riche et pulpeux garde une consistance soyeuse. Elle incarne Tatiana avec majesté, gardant un port très aristocratique. Lui, offre un timbre sombre et fuselé, qu’il dote d’un legato filé. Son interprétation est nuancée et incarnée. Ils sont accompagnés des musiciens de l’Académie qui déploient un délicat voile mélodique avec subtilité. Cet apéritif aura eu don d’éveiller l’appétit et la curiosité : le public attend déjà avec impatience la première prestation scénique de cette jeune troupe, ce sera dans La Ronde, début novembre.