Mozart et son librettiste se racontent à Salon-de-Provence
Jacques Bertrand, président de l’association Mezza-Voce, vêtu d'un costume vénitien du 18e siècle, évoque au fil de la succession des airs choisis, la figure de Da Ponte, prêtre libertin, ami de Casanova, franc-maçon et librettiste de textes lumineux. Les noces de Figaro décrivent le changement profond de caractère des personnages du Barbier de Séville de Beaumarchais. L’idée vient à Da Ponte de continuer cette histoire « qui apprend de la vie ». Avec Don Giovanni, l’histoire d’un personnage de libertin prend encore « plus d’épaisseur ». Mozart et Da Ponte vont ensuite aller vers leur plaisir avec Cosi fan Tutte, l’histoire encore d’un stratagème stupide « qui révèle la vie telle qu’elle est ».
La soprano d’origine roumaine Mihaela Dinu, investie de psychologie mozartienne, est très à l’aise dans ce répertoire à la fois poudré et véhément de princesse de la nuit. On pressent ses capacités vocales d’indignation, alors qu’elle souffre d’une extinction de voix partielle, due à l’air libre et mouvementé de la nuit provençale et de ses deux interprétations consécutives de Micaëla dans Carmen (retrouvez-en notre compte-rendu) Celui-ci aura eu raison de la participation de la mezzo-soprano Catherine Bourgeois, présente néanmoins sur scène en tant que tourneuse de page, ou encore doublure muette de Donna Elvira pendant l’air du Catalogue.
L’autre soprano est Léa Bechet, une élève de Mihaela Dinu. Une solide base de medium soutient quelques beaux aigus naturels, en particulier dans La ci darem la mano. Le ténor français Bertrand Di Bettino apporte la douceur ensoleillée de son timbre, la longueur de son souffle, le soigné de sa diction à l’élaboration de ses airs, dont les reprises sont nuancées avec justesse. Le baryton italien Clorinzo Manzato conjugue à un timbre charpenté, au vibrato palpable, des talents de comédien galant. Il s’empare des « éléments » à disposition (une épaisse partition, une tourneuse de page…) pour convoquer un petit bout d’opéra bouffe avec lui.
Le concert lyrique s’achève sur une joute amicale entre le narrateur et le chef-pianiste dont l’enjeu apparent est la détention du micro, et plus essentiellement le maintien d’un échange particulièrement serré entre le Festival de Salon et la culture italienne.