Nouveau coup de théâtre dans l'Affaire des Carmélites de Tcherniakov
En 2010, Tcherniakov proposait à l'Opéra d'Etat de Bavière une mise en scène des Dialogues des carmélites dénuée de sa dimension religieuse et modifiant complètement l'issue de l'opéra de Poulenc, attirant ainsi la colère des ayants droit de George Bernanos et du compositeur. Si dans le livret original les religieuses montent sur l'échafaud, dans la réalisation de Tcherniakov, Blanche sauve ses consœurs de la mort et se retrouve seule à mourir.
Jugeant la pensée des auteurs de l'œuvre dénaturée, les ayants-droits avaient déjà une première fois tenté de faire interdire de nouvelles représentations, ainsi que de faire retirer de la vente les éditions DVD et Blu Ray de BelAir Média. Cette demande avait été rejetée en mars 2014, mais, le 13 octobre 2015, la cour d’appel de Paris y donnait suite, enjoignant BelAir Média à soustraire l'ensemble des captations de la circulation et à cesser la diffusion de la production à la télévision comme sur internet.
Un jugement annulé par la Cour de cassation dans son arrêt du 22 juin 2017, entrant dans le détail de l'opéra, soutenant que « la mise en scène litigieuse ne modifiait ni les dialogues, absents dans cette partie des œuvres préexistantes, ni la musique », quoique « loin d’être l’expression d’une interprétation des œuvres des auteurs, elle en modifie la signification et en dénature l’esprit ». Cela étant, la cour d’appel de Paris « n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article sus-visé [l'article L.113-4 du code de la propriété intellectuelle, NDLR] », « se prononçant ainsi, sans examiner, comme elle y était invitée, en quoi la recherche d’un juste équilibre entre la liberté de création du metteur en scène et la protection du droit moral du compositeur et de l’auteur du livret, justifiait la mesure d’interdiction qu’elle ordonnait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte sus-visé ».
Objet d'incompréhension, de rejet, voire d'attaque, certaines mises en scène ont parfois du mal à passer. On se rappelle notamment que des plaintes avaient eu raison du Tannhäuser de Timofei Kouliabine à l'Opéra de Novossibirsk, et avaient conduit en mars dernier au licenciement de son directeur, Boris Mezdritch. Création muselée ou simple respect de la propriété intellectuelle ?
En attendant, vous pouvez vous faire un début d'opinion en consultant nos comptes-rendus de mises en scènes signées Tcherniakov (pour ce faire, cliquez sur son nom et descendez vers la rubrique "Les dernières actualités").